Le président chinois Xi Jinping a exposé sa vision de l’avenir économique et social de la Chine, et place Xi Jinping au centre de celle-ci.
Après avoir consolidé son héritage politique lors du 20e Congrès du Parti communiste chinois en octobre 2022 en étant confirmé à la tête du pays jusqu’en 2027 au moins, le « président de tout » a désormais exposé comment il envisageait les prochaines années.
La feuille de route a été discutée lors de l’important troisième plénum qui s’est tenu du 15 au 18 juillet 2024. Pour les observateurs de la Chine comme moi, ce plénum – qui réunit les dirigeants des partis pour discuter de grandes questions d’État et d’économie – donne des informations clés sur la réflexion actuelle à Pékin quant à la vision que le pays a de lui-même et à la direction qu’il souhaite prendre. Le plénum est accompagné d’un communiqué officiel, puis d’une « décision » plus détaillée distribuée quelques jours après la réunion.
Xi au volant
Les plénums sont souvent décisifs pour définir de nouvelles orientations – prenez par exemple la réunion de 1978 qui a annoncé la fin de la désastreuse Révolution culturelle et le début de l’ouverture de la Chine par Deng Xiaoping.
Ce dernier plénum est loin d’être un moment charnière. En fait, il n’a pas apporté grand-chose de nouveau en termes de politique réelle. Mais il a confirmé que Xi Jinping ne voit aucune raison de s’écarter de la voie qu’il a tracée, ni de changer de conducteur.
Le document de décision diffusé le 21 juillet a clairement montré la volonté de Xi Jinping d’un contrôle politique autoritaire, bien que tempéré par une approche populiste de certains des problèmes auxquels la Chine est confrontée.
La décision du plénum est avant tout un document politique destiné à rallier les fidèles du parti derrière Xi Jinping et sa préférence pour une économie fortement centralisée et dirigée par l’État. Rien n’indique que Xi Jinping ait l’intention de procéder à des réformes importantes face à l’affaiblissement de l’économie.
Il s’agit plutôt d’une indication que toute remise en question des politiques de Xi Jinping ne sera pas tolérée : le communiqué appelle à gérer efficacement les « risques dans le domaine idéologique » tout en améliorant « l’orientation de l’opinion publique ». En d’autres termes, le Parti communiste et le peuple doivent tous deux faire confiance à Xi Jinping.
Mais cette décision, qui pourrait laisser penser que le malaise persiste, souligne la nécessité d’établir la position centrale de Xi Jinping au sein du Comité central et du Parti dans son ensemble. Cette position est théoriquement déjà consolidée, ce qui soulève la question : pourquoi faut-il insister à nouveau sur cette position maintenant ?
Lumière sur les détails
Xi Jinping et ses idées politiques ont influencé cette décision, et il est clair que le contrôle des deux partis – et le sien – est crucial. Cette approche ne fera qu’entretenir la tension actuelle entre la nécessité d’innover pour répondre aux besoins économiques de la Chine et la nécessité de s’assurer que tout changement de politique se déroule dans le cadre défini par la direction du parti.
Au cœur de cette décision se trouve la manière dont Xi entend préserver ce qu’il considère comme son héritage.
Il aborde ainsi les préoccupations économiques, sociales et sécuritaires qui pourraient menacer cet héritage – qu’il s’agisse d’une croissance chancelante, de tensions avec les rivaux régionaux et les États-Unis, d’une inégalité croissante des revenus et d’un fossé entre les économies urbaines et rurales.
La décision est pleine d’intentions, mais ne contient que peu de propositions concrètes. Néanmoins, les grandes lignes qu’elle énonce donnent un aperçu de la pensée de Xi Jinping.
Messages contradictoires
Sur le plan économique, la décision confirme le passage d’une obsession de la croissance à tout prix à une focalisation sur la qualité de la croissance.
Le développement de haute qualité est donc l’élément clé de la nouvelle philosophie de Xi Jinping. Concrètement, cela signifie un passage des moteurs traditionnels de l’économie – le travail, le capital et la terre – aux nouvelles technologies et innovations, telles que l’intelligence artificielle et l’énergie verte.
Cette approche vise à faire progresser la Chine dans la chaîne de valeur ajoutée et à développer les technologies de pointe pour l’avenir.
Xi Jinping a vanté la voie vers un « développement de haute qualité » comme un moyen de créer une société plus équitable. Mais étant donné que la grande majorité des travailleurs chinois ne travaillent pas dans ces secteurs de pointe, il est difficile d’imaginer comment Xi Jinping pourrait y parvenir.
De même, lorsqu’il s’agit de remédier au ralentissement de l’économie chinoise, les priorités politiques de la décision envoient des messages contradictoires.
Le rapport réaffirme la nécessité pour la Chine de poursuivre son engagement international et de placer le secteur privé sur un pied d’égalité avec son homologue public. Il précise toutefois que c’est le secteur public et le financement public qui joueront le rôle principal pour aider le Parti à atteindre ses objectifs, tandis que le secteur privé recevra une « orientation ».
Et les investisseurs semblent sceptiques : la bourse chinoise a connu sa plus forte baisse depuis six mois au moment de la publication de la décision.
Il existe un certain doute quant au fait que l’engagement de la Chine envers la communauté internationale suffira à apaiser les inquiétudes de la communauté internationale des affaires.
Répondre aux préoccupations locales
Cette décision met en lumière certains des principaux sujets de préoccupation intérieure de la Chine. Prenons par exemple le problème épineux de la dette des collectivités locales. Les collectivités locales sont accablées par des mandats fixés par le gouvernement central pour assurer une série de programmes sociaux coûteux, notamment les retraites et l’assurance maladie, qui ne sont pas financés de manière adéquate.
Alors que les autorités locales se sont jusqu’à présent tournées vers la vente de terrains pour combler leurs déficits budgétaires, la chute des prix de l’immobilier a rendu leurs finances de plus en plus fragiles.
La décision prévoit que les gouvernements locaux disposeront de davantage de ressources financières, financées par une plus grande part des recettes fiscales distribuées au niveau central.
En outre, une « division claire » des pouvoirs et des responsabilités entre les autorités centrales et locales doit être établie – quelque chose que le parti avait promis de mettre en œuvre d’ici 2020.
Les inquiétudes des dirigeants des partis concernant les inégalités de richesse se reflètent dans la décision, qui appelle à des services publics plus inclusifs pour fournir un coussin à ceux qui en ont le plus besoin.
Mais les inégalités les plus flagrantes sont dues aux différences entre les zones rurales et urbaines de la Chine. Les ménages ruraux chinois ont des revenus nettement inférieurs et l’écart s’est creusé ces dernières années.
La décision considère qu’une urbanisation plus importante et plus efficace est essentielle pour résoudre les inégalités. L’un des principaux éléments du plan consiste à éliminer le système d’enregistrement des ménages qui lie les individus à leur lieu de naissance. En conséquence, de nombreux habitants des zones rurales qui s’installent dans les villes se voient refuser l’accès à de meilleurs services urbains, car ils sont toujours considérés comme des villageois.
L’abolition de l’enregistrement des ménages est promise depuis de nombreuses années, mais elle n’a pas encore été concrétisée.
La foi aveugle ne suffit pas
Dans son ensemble, la décision du plénum révèle de nombreuses intentions, mais offre peu de détails sur la manière d’y parvenir dans le délai imparti – seulement cinq ans.
Mais en ne proposant rien de nouveau, cette décision fait passer un message : l’approche de Xi Jinping, établie de longue date, était et reste la meilleure façon de faire avancer la Chine. Les appels en Chine et à l’étranger en faveur de changements fondamentaux doivent donc être ignorés.
Mais une telle intransigeance représente un danger pour la Chine et pour l’héritage de Xi Jinping. La plupart des problèmes qui affligent la Chine – en particulier le ralentissement progressif de la croissance économique et la montée des inégalités – exigent plus que de simples bonnes intentions et une confiance aveugle dans le fait que le parti sait mieux que quiconque ce qu’il doit faire.