Quelques jours après les résultats du premier tour des législatives qui ont placé le RN en tête, Brigitte Vumbi Borne reçoit un courrier raciste dans sa boîte aux lettres. Le message est clair : « une fois la vente (de votre maison) conclue avec une famille de bons français de souche, je vous conseille de préparer votre départ pour l’Afrique ». « C’est une injonction à partir, à vendre ma maison. On me dit que je ne suis pas désirable ici », résume la Perpignanaise, aux origines congolaises.
Le ton emprunte celui du conseil « assurez-vous d’avoir tous les documents de voyage », du dédain « je vous recommande vivement de contacter un agent immobilier français réputé », ou d’une empathie cynique « je comprends que cette situation peut être stressante ». Si elle ne part pas, l’auteur la menace d’un « nettoyage impitoyable et virulent du quartier », qu’il prévoit « dès le mois de septembre ».
Un auteur du Parti populaire français ?
« Ça fera 10 ans en décembre 2024 que je vis à Perpignan, je n’ai aucun problème de voisinage », souligne Brigitte qui ne sait pas qui lui « en veut ». Sous la signature de la lettre, « La Division Marcel Bucard de Perpignan, Mouvement populaire français » et un logo rouge et bleu, celui du Parti populaire français (PPF).
Crée en 1936, ce parti fasciste fut fondé par Jacques Doriot, un collaborationniste nazi qui souhaitait une « hygiène de la race ». L’un des adhérents et secrétaire fédéral historique de ce mouvement, Victor Barthélemy, a participé à la création du Front national, aujourd’hui Rassemblement national. Dans la même veine, Marcel Bucard est celui qui a fondé le mouvement franciste en 1933, un parti antisémite inspiré du fascisme italien.
Ces références passées obligent Brigitte Vumpi Borne à « prendre le courrier très grave avec sérieux », d’autant plus qu’à Perpignan, « les résultats des votes donnent plus de voix au RN », rappelle-t-elle. Pour autant, elle n’entend surtout « pas partir », ni s’« empêcher de vivre ».
« La peur doit changer de camp, et elle changera de camp »
Aussitôt la lettre reçue, Brigitte la partage sur les réseaux sociaux « pour que ça se sache ». « On ne va pas étouffer l’affaire comme ça, ce n’est pas possible », assure-t-elle. « Penser au XXIe siècle que parce que je suis noir, je dois rester dans mon pays, c’est dégueulasse », reprend Brigitte Vumbi Borne.
« Je vais me battre pour endiguer la vague de haine avant qu’elle ne soit trop forte.»
Brigitte Vumpi Borne, habitante perpignanaise
Le maire de Perpignan et vice-président du RN, Louis Aliot, a apporté son soutien et son « affection » à Brigitte. Dans un communiqué, il a dénoncé « un courrier absolument abject », et dit espérer « que les commanditaires seront rapidement trouvés et sévèrement punis ». Brigitte Vumbi Borne qui l’a déjà eu au téléphone devrait le rencontrer prochainement. « Il doit assurer ma sécurité, il doit faire quelque chose », souligne-t-elle.
La Perpignanaise ira porter plainte ce vendredi 5 juillet. « La peur doit changer de camp, et elle changera de camp », assène Brigitte avec conviction. « Ce qu’il faut c’est que les gens qui tiennent ces discours évoluent », ajoute-t-elle, s’estimant prête à « les aider à évoluer » et motivée à rejoindre une association pour lutter contre le racisme.
Avant de partir, une dernière chose…
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