Des voitures « moins chères mais moins réparables » : les conclusions du rapport de l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP), paru le 17 avril, sont inquiétantes. Si rien n’est fait en termes de réglementation pour la réparation des véhicules, nous pourrions plonger rapidement dans une ère de la voiture « jetable ». Avec tous les impacts environnementaux, et les surcoûts pour les consommateurs, qui en découleront. Déléguée générale de HOP, Laetitia Vasseur alerte : « Le risque, c’est d’aller vers une « fast-fashion » automobile. »
Dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, l’Union européenne a décrété l’interdiction de commercialiser des voitures à moteur thermique en 2035, condamnant celles-ci à l’obsolescence réglementaire. De quoi relancer le marché de l’automobile neuve, alors que l’occasion représente aujourd’hui 75 % des ventes en France… au grand dam des constructeurs.
On a laissé le champ libre aux constructeurs
Mais ce bouleversement a un coût, et même plusieurs. La question du prix d’achat reste posée, les divers systèmes de primes en vigueur dans l’UE n’y apportant pas de réponse satisfaisante, ce que confirme le recul des ventes ces derniers mois. Le rapport de HOP attire l’attention sur d’autres coûts, cachés. « Il n’existe pour l’instant pas de réglementations visant à garantir la réparabilité et le remplacement des batteries », souligne le texte.
Or celles-ci représentent entre 30 % et 40 % de la valeur d’un véhicule électrique. Mais, selon HOP, la moitié seulement des constructeurs propose aujourd’hui des batteries réparables, alors qu’en changer intégralement coûte « environ dix fois plus cher que de remplacer juste un module » de celle-ci. Autre problème de taille : il n’existe aucune garantie que tel ou tel modèle de batterie reste disponible plus de quelques années.
Ce champ libre laissé aux constructeurs n’est pas sans conséquences, d’autant que, malgré une maintenance moindre, les voitures électriques ne sont pas à l’abri des pannes : « Même si la batterie pouvait théoriquement durer vingt ans, les pannes électroniques, connectiques ou bien chimiques ne sont pas à exclure. Dans ces conditions, avoir accès à la batterie est souhaitable, pour éviter un phénomène de « voiture jetable » », écrit l’association. Certains constructeurs, comme Tesla, rendent la réparation impossible en appliquant des mousses entre le boîtier de batterie et les modules qui la composent. D’autres scellent les boîtiers de batterie à la construction.
L’enjeu de la voiture électrique d’occasion
Autre obstacle à la réparabilité : la technique du « gigacasting », qui consiste à mouler d’un bloc plusieurs pièces de la voiture. « Les économies sont considérables à l’assemblage, de l’ordre de plusieurs milliers d’euros par voiture », relève le rapport. Le risque, si cette technique se répand, est celui d’un « gigagâchis » annoncé : « Au moindre choc, il faudra remplacer une partie si importante de la voiture qu’il sera probablement plus rentable de la mettre à la casse. »
L’enjeu est d’autant plus important, rappelle Laetitia Vasseur, que selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), « la disparition des véhicules thermiques du paysage automobile ne sera pas effective avant 2050. Cela laisse donc du temps pour permettre aux gens d’acquérir en occasion, à moindre coût, un véhicule électrique de 10 ou 15 ans. Mais, pour cela, il faut que celui-ci ait été conçu pour être réparable. Et c’est aujourd’hui que tout se joue, car c’est maintenant que sont conçus les véhicules qui seront vendus dans dix ans. Nous souhaitons que les candidats aux élections européennes s’emparent de ce sujet pour le faire avancer dès la prochaine mandature ».
5 % seulement des batteries sont recyclées
HOP rappelle la hiérarchie de traitement que préconise l’Ademe : « D’abord prioriser la réparation, le réemploi, la réutilisation, puis le recyclage en dernier recours. » L’association propose donc d’instaurer une garantie de réparabilité sur dix ans pour les batteries et des normes imposant des pièces à la fois démontables et disponibles pour une durée d’au moins vingt ans – soit la durée de vie moyenne d’un véhicule particulier aujourd’hui.
Le rapport souligne que « la durabilité et la réparabilité des véhicules électriques s’imposent comme une condition sine qua non de la transition ». Laetitia Vasseur le martèle : « Se voir imposer de racheter une voiture tous les dix ans ne peut constituer une solution. Si on est amené, faute de réparabilité, à fabriquer des batteries et des véhicules entiers encore plus souvent qu’aujourd’hui, l’impact environnemental sera énorme car, si les voitures électriques sont très peu polluantes à l’usage, il n’en va pas de même pour leur fabrication ou leur fin de vie. » Ainsi les actuelles batteries lithium-ion ne sont recyclables qu’à 50 % de leur masse et recyclées à seulement… 5 %, selon le cabinet spécialisé Carbone 4.
Enfin, les éléments minéraux et métalliques (cuivre, manganèse, lithium, cobalt…) qui les composent impliquent une industrie d’extraction en plein développement, comme en témoignent les projets français en Alsace et dans l’Allier. Or, rappelle le rapport, cette activité minière « cause la destruction d’écosystèmes et met en danger les populations locales ».