C’est la fête. Toute cette semaine, le Mondial de l’Auto, à Paris, célèbre sa 90e édition. Pour l’occasion, aucun constructeur n’a rechigné et les six halls de la porte de Versailles seront remplis de concept cars, véhicules électriques, autonomes, connectés, de modèles citadins, de luxe ou SUV, célébrés par des influenceurs sous des LED Flash.
L’automobile française et européenne n’est pourtant pas à la fête. La CGT se fera fort de le rappeler lors d’un rassemblement en forme de contre-salon, jeudi 17 octobre. Car, côté ventes, le marché tricolore du neuf est en berne depuis cinq mois. L’occasion n’est pas au mieux non plus.
Les constructeurs se trouvent pris dans un effet ciseau redoutable, avec d’un côté une diminution drastique des achats grand public et pour flottes d’entreprise de véhicules thermiques (essence et diesel) ; de l’autre un marché du véhicule électrique et hybride stagnant. Ce dernier devait pourtant devenir le moteur de la croissance future du quatre-roues, depuis l’adoption du Green Deal européen et la fin annoncée de la vente des moteurs thermiques en 2035.
Les marques européennes dégringolent
Les grandes marques du Vieux Continent, qui enchaînent les alertes financières et voient leur cours de Bourse dégringoler, sonnent (presque) toutes le tocsin. Dans leur marche vers le tout-électrique, le 1er janvier 2025 constitue une étape déterminante avec un resserrement des normes.
Casquette de président de l’Acea, principal lobby européen des employeurs de l’automobile, sur la tête, le directeur général de Renault, Luca de Meo, évoque entre 13 et 15 milliards d’euros d’amende qu’encourraient les constructeurs fautifs.
Dans sa ligne de mire : un assouplissement des normes de l’UE dès l’an prochain, au lieu de 2026, et la réouverture en grand du robinet des aides publiques (près de 6 milliards versés par la France entre 2020 et 2022) que les budgets austéritaires pour 2025 s’apprêtent à couper.
Halte à l’alibi de la transition électrique, dénoncent en chœur syndicats et ONG environnementalistes. L’ONG Transport & Environnement estime que tous les constructeurs sont proches d’atteindre ces nouvelles normes, sauf Volkswagen et Ford, grâce notamment à la mise sur le marché, habilement retardée à fin 2024 et courant 2025, de leurs nouveaux modèles électriques, telles la R5 et la 4L pour Renault, les C3, C3 Aircross et Peugeot E-408 chez Stellantis. Et avec 130 milliards d’euros de bénéfices depuis 2022, ces sociétés ont largement les moyens de leur transition, sans casse sociale.
La casse sociale, les syndicats la voient pourtant arriver. « De 2008 à 2019, 100 000 emplois ont été détruits en France à cause des délocalisations pour augmenter les taux de rentabilité, rappelle Jean-Philippe Juin, de la CGT métallurgie. Depuis 2019, l’électrique a constitué une aubaine pour les constructeurs, qui ont délocalisé la fabrication des voitures à moteur thermique, mais aussi des pièces fournies par les sous-traitants. » Cent mille emplois sont à nouveau en péril d’ici à 2030, selon la branche.
Les vilaines annonces s’accélèrent depuis le premier semestre
Fermeture de MA France, de Bosch à Marignier, à Mondeville, du centre d’essai Bosch à Saint-Ouen, du pôle F1 de Renault à Viry-Châtillon, de Novaray à Ostwald (Bas-Rhin). Mise en vente de Valeo à Mondeville. Suppressions de 412 postes à Valeo à Créteil, Cergy et La Verrière. Liquidation d’Impériales Wheels à Châteauroux, dernier fabricant de jantes en aluminium en France.
Risque de liquidation de Walor à Vouziers (usinage) et Bogny-sur-Meuse (forge). Diminution de 40 % des effectifs à Dumarey Powerglide à Strasbourg. Plan de départs « volontaires » à Forvia. Michelin vient d’embrayer avec du chômage partiel sur ses sites de Troyes (pneus agricoles) et du Puy-en-Velay (génie civil) et, pourquoi pas, de Cholet, Vannes et Tours.
Les patrons des grandes marques ont aussi argué de l’« invasion » à venir des voitures chinoises pas chères pour légitimer de nouvelles coupes au cœur de l’électrique et des gigafactories de batteries. Un argument qui vient de prendre l’eau avec l’ajout par la Commission européenne, aux 10 % de droits de douane existants, d’une surtaxe allant jusqu’à 35 % sur les véhicules à batterie importés de Chine.
Grâce à cette barrière anti-low cost, la France redevient même compétitive. La FNH (Fondation pour la nature et l’homme) et l’Institut des mobilités en transition ont calculé qu’une petite citadine électrique pouvait être produite dans l’Hexagone à 15 547 euros, soit 2 % seulement plus cher que si celle-ci était fabriquée en Slovaquie ou en Espagne.
« Si on cherche un épouvantail à abattre, c’est le » toyotisme » qui s’est imposé en France depuis trente ans, y compris dans les bureaux d’études, avec la chasse aux coûts et la dérive autoritaire des donneurs d’ordres sur leurs sous-traitants pour faire gonfler les taux de marge », dénonce Laurent Giblot, de la CGT Renault.
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