« Je ne travaillerai jamais à l’hôpital, parce que même le personnel est malade », a lancé le neveu de Virginie, infirmière à la Pitié-Salpêtrière depuis 1996. Tous les jours, elle embauche à 19 heures et rentre se reposer à 7 heures avant sa garde suivante. Cette routine dure depuis quinze ans déjà.
Au service pathologie du sommeil depuis 2022, Virginie n’est pas arrivée dans ce service « par hasard ». Ses conditions de travail pendant vingt ans en chirurgie générale et digestive l’ont menée au burn-out. « On va au travail la boule au ventre. On est deux infirmières quand il faudrait être trois ou quatre, mais on y va quand même. »
Son état d’épuisement psychique était tel que l’infirmière a dû être arrêtée à deux reprises un mois et demi. Elle craignait de se blesser ou de faire une erreur lors des soins administrés aux patients. « La direction m’a demandé quand je revenais. » Virginie est loin d’être la seule à subir cette « maltraitance institutionnelle et systémique ».
Sa santé à la clé
Elle en a conscience : travailler la nuit accroît les risques sur la santé psychique, sur les performances cognitives, les maladies coronariennes ou les troubles métaboliques. Ce rythme peut également provoquer des dyslipidémies (cholestérol et/ou triglycérides élevés), de l’hypertension artérielle ou des AVC. « Notre espérance de vie est inférieure de dix ans à celle des Français », explique la personnelle hospitalière de 52 ans, inquiète de n’avoir pas suffisamment de temps pour profiter de sa retraite, celle-ci étant, en plus, repoussée.
« La perspective d’une rémunération au mérite est une insulte pour les personnes qui donnent leur vie au service public », dénonce l’infirmière. La « travailleuse de l’ombre » décrit une profession « dure physiquement et émotionnellement, mais nécessaire ». Il lui arrive d’être confrontée à l’agressivité de ses patients. « Et puis tout le monde n’a pas envie de ramasser du vomi ! » ironise-t-elle.
Malgré ses conditions de travail et ses problèmes de santé, Virginie n’a jamais songé à changer de métier. « Je veux bien faire des concessions, mais il n’y a même pas d’argent à la clé. On est à l’os et le gouvernement attaque la moelle. » Malgré tous les sacrifices et problèmes endurés, elle ne touche aujourd’hui que 2 500 euros par mois. De quoi expliquer « la crise des vocations » que rencontre aujourd’hui l’hôpital.