Selon des éléments transmis à la presse et d’abord dévoilés par le magazine Elle, le ministère publiccomptabilisait jeudi six signalements reçus “par courrier ou au sein d’un commissariat suivi d’uncompte-rendu au parquet de femmes déclarant avoir subi des gestes a minima sexués de la part deGérard Miller, auxquels elles relatent ne pas avoir donné leur consentement, entre 1995 et 2005″.
Il avait anticipé la déflagration, en annonçant sur son compte X (ex-Twitter), la publication d’une enquête journalistique le mettant « gravement » en cause et se réservant le droit d’y répondre le temps venu. Les révélations concernant Gérard Miller, publiées mercredi 31 janvier, sur le site de l’hebdomadaire féminin Elle sont en effet accablantes. Trois femmes y accusent le très médiatique psychanalyste de 75 ans d’agressions sexuelles et d’un viol. Dix autres femmes, dont trois mineures, ont ensuite témoigné, le 6 février auprès de Mediapart, d’agressions sexuelles ou de comportements inappropriés entre 1995 et 2016. Ce 8 février, Elle annonce avoir recueilli, dans la foulée de ses révélations, 41 nouveaux témoignages. Des actes qui auraient notamment été perpétrés pendant des séances d’hypnose.
Tel aurait été le cas pour la journaliste et metteure en scène Muriel Cousin, l’une des femmes ayant témoigné dans Elle, qui indique avoir été victime d’attouchements sexuels en 1990, alors qu’elle avait 23 ans, lors d’une de ces séances prodiguées par le psychanalyste. Les faits auraient eu lieu dans les locaux du Champ freudien, à l’invitation de Gérard Miller, qui cherchait un « cobaye » pour rédiger un article sur l’hypnose. La jeune femme s’y serait rendue « en toute confiance » et en serait revenue, selon le témoignage d’une de ses collègues de l’époque, « complètement refermée », ajoutant : « J’ai senti qu’il s’était passé quelque chose », au point de s’en souvenir trente ans plus tard.
« J’ai senti sa main passer par-dessus mon sexe »
Si les souvenirs reviennent à Muriel Cousin « par flashs », elle est en mesure de détailler les actes auxquels elle aurait été soumise : « Il touchait mes seins sous mon pull (…) J’ai senti aussi sa main passer par-dessus mon sexe sur le pantalon », détaille la metteure en scène à qui « il n’est pas venu à l’esprit de porter plainte » car « à l’époque, ça ne se faisait pas ».
Le même mode opératoire est décrit par une autre victime présumée, pour qui ces actes auraient même abouti, en 2004 alors qu’elle avait 19 ans, à un viol commis au domicile de Gérard Miller, après un jeu basé sur l’hypnose. « Je ne peux plus bouger. Je suis une poupée qu’on déshabille et à qui l’on peut faire ce que l’on veut », détaille-t-elle dans son récit. Une troisième femme, âgée de 19 ans en 1993, qui travaillait comme baby-sitter pour le psychanalyste, rapporte par ailleurs une agression sexuelle alors qu’il la raccompagnait chez elle en voiture.
Parmi les dix témoignages recueillis par Mediapart, la plupart font état d’invitations au domicile du psychanalyste à l’issue d’un cours à l’université, où sur un plateau télé où il était chroniqueur. Certains rapportent des actes sexuels non consentis ou des tentatives, quand d’autres femmes déclarent avoir quitté précipitamment les lieux après s’être senties en « danger » ou « mal à l’aise ».
De son côté, Elle a recueilli, dans la foulée de ses révélations de fin janvier, le témoignage de 41 femmes qui, pour la plupart, décrivent le même procédé. « Trente d’entre elles nous ont livré un récit détaillé de leur rencontre avec Gérard Miller, 18 évoquent des faits de viols et d’agressions sexuelles qui seraient survenus entre 1993 et 2020, les autres des tentatives », rapporte le magazine.
Un documentaire avec Benoît Jacquot
Gérard Miller, interrogé par Elle pour la publication du premier article, assure « n’avoir jamais abusé sexuellement de quiconque, et ce en aucune circonstance ». Il admet en revanche auprès de Mediapart ne pas avoir saisi à l’époque des faits que la « dissymétrie » qui existait entre lui, un « homme de pouvoir », et ces femmes « plus jeunes » était « rédhibitoire ».
Ces accusations prennent une dimension singulière à la lumière de la médiatisation d’un documentaire réalisé par ses soins en 2011- qui a émergé récemment sur les réseaux sociaux -, consacré aux Ruses du désir : l’interdit, où l’on voit Benoît Jacquot, devant un Gérard Miller affichant un ton complice, évoquer tranquillement sa liaison avec Judith Godrèche, qu’il appelle « cette Judith ».
Le réalisateur y prétend, face caméra, qu’elle avait alors 15 ans (âge de la majorité sexuelle), non 14, et que l’interdit, « elle n’en avait rien à foutre, et même ça l’excitait beaucoup ». Des propos dénoncés par la comédienne qui a décrit l’emprise exercée sur elle par le réalisateur alors qu’elle était mineure.
Invité il y a quelques jours sur le plateau d’Arrêt sur images pour évoquer sa posture dans ce documentaire révélateur d’une intériorisation, y compris chez certains hommes de gauche, de la domination masculine, le psychanalyste, soutien de la France insoumise, y avait fait son mea culpa, reconnaissant qu’il aurait alors dû recueillir également la parole de la comédienne.
Le fondateur du site d’informations Daniel Schneidermann, qui avait mené l’entretien, a indiqué aujourd’hui sur son compte X, ignorer « tout de ces accusations » au moment de l’émission, le 25 janvier.