La parole, grave, laisse parfois percer la colère. Auditionnée au Sénat par la délégation aux droits des femmes, le 29 février, la comédienne Judith Godrèche assume « le rôle de boomerang » auprès des institutions depuis ses interventions publiques et sa plainte à l’encontre des réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans ». Celle qui a ouvert la voie à une déferlante de révélations, déclenchant une onde de choc dans le monde du cinéma, a dénoncé au Palais du Luxembourg « une société systématiquement organisée autour de l’écrasement de la parole » des victimes.
En témoigne, selon l’actrice, l’éviction par le gouvernement, en décembre 2023, du juge Édouard Durand de la Ciivise, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, aujourd’hui dans la tourmente après une plainte pour agression sexuelle à l’encontre de sa nouvelle vice-présidente, qui a décidé, depuis, de se mettre en retrait.
L’actrice, qui revendique « un militantisme politique » car « avec de la pédagogie et des lettres polies (…) on n’obtient rien », sonne d’emblée la charge contre cette « décision de retirer Édouard Durand de la tête de la Ciivise pour la laisser s’échoir sur le sable morte- née ». Une nouvelle expression, à ses yeux, de cette « invisibilisation de la souffrance des enfants ».
Elle a rencontré le magistrat, il y a une dizaine de jours, à l’initiative de Camille Kouchner, dont le livre La Familia Grande —, dénonçant les viols commis sur son frère mineur par son beau-père, le politologue Olivier Duhamel —, avait été à l’origine de cette commission sur l’inceste.
« Un référent pour qu’un enfant ne soit jamais laissé seul sur un tournage »
« Je me trouve face à un homme qui ne négocie pas avec la vérité, (…), un homme qui incarne le non-effacement de la parole de l’enfant », a poursuivi la comédienne, qui attend des « sénateurs (…) la possibilité pour Édouard Durand d’accomplir son destin héroïque de son vivant ». Et la comédienne d’interroger : « Quel aurait été mon destin si la Ciivise avait existé à l’époque, avec lui à sa tête ? »
Cette dernière a par ailleurs plaidé pour la constitution d’une commission d’enquête contre les violences sexuelles et sexistes dans le milieu du cinéma. S’impose également, selon elle, la nécessité de créer un poste de « référent, formé et neutre, qui n’est pas payé par la production » pour faire en sorte « qu’un enfant ne soit jamais laissé seul sur un tournage ».
Autre exigence de la comédienne : une cohérence entre les principes et les actes qui doit conduire à mettre fin à la situation absurde dans laquelle est plongé le CNC (Centre national du cinéma). Son président, Dominique Boutonnat, accusé d’agressions sexuelles sur son filleul, est dans le même temps chargé de mettre en place des mesures visant à prévenir ces violences dans le milieu du cinéma. « La bonne blague », a ironisé l’actrice.