D’un côté, la nouvelle ministre de l’Énergie, Olga Givernet, est installée, tout sourires, au volant d’une clinquante Renault R5 d’exposition d’un bleu scintillant, devant un écran géant faisant défiler de frénétiques animations de danseuses de French Cancan sur fond de musique électronique.
De l’autre, des centaines de travailleurs de la filière automobile française sont réunis, inquiets et révoltés, pour défendre leurs emplois en péril. Sous l’immense panneau publicitaire du parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, appelant ironiquement à « S’inspirer, se régaler, se relaxer », une banderole de la CGT est accrochée à la grille du dôme. On peut plus justement y lire « Sous les paillettes, le saccage de nos usines ».
« Parmi les 10 voitures les plus vendues en France, seule une est assemblée sur notre territoire »
Les fédérations de la métallurgie, chimie, des bureau d’études, de verre et céramique étaient à l’initiative d’une mobilisation, ce jeudi 17 octobre, devant le vaste espace accueillant la 90e édition du Mondial de l’auto. Venus de tout l’Hexagone, des salariés de MA France, Bosch, Walor, Valeo, Stellantis, Dumarey, Flex-N-Gate, GM, Imperial Wheels, Renault, Novares, de syndicats européens et américains, sont venus battre le pavé en nombre.
Le sénateur Fabien Gay (directeur de l’Humanité), les députés insoumis Manuel Bompart et Alma Dufour, le porte-parole du NPA Philippe Poutou ou encore la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet ont également préféré les sandwichs merguez sous la pluie aux petits-fours et champagne au chaud, pour ce quatrième jour d’un salon sous haute tension.
« Parmi les 10 voitures les plus vendues en France, seule une est assemblée sur notre territoire », dénonce Frédéric Sanchez, secrétaire général de la FTM-CGT. « L’État a distribué 5,8 milliards d’euros pour soutenir la filière entre 2020 et 2022, sans aucune contrepartie, se rendant complice des milliers d’emplois détruits ces dernières années. »
En effet, 114 000 emplois ont été supprimés entre 2006 et 2021, estime l’organisation syndicale, et 80 000 suppressions sont annoncées par le patronat pour les cinq prochaines années. « Nous sommes furieux, c’est une hécatombe pour les équipementiers dépendant du carnet de commandes de Stellantis, dont l’État est pourtant actionnaire à 6 % ! enrage Christophe Schirch, de la CGT à Flex-N-Gate, entreprise basée à Burnhaupt-le-Haut (Haut-Rhin). Le climat est de plus en plus anxiogène et nous sommes tous très inquiets pour notre avenir. »
Une saignée pour achever le secteur ?
La secrétaire nationale de la CGT, Sophie Binet, récence 180 plans de licenciement en cours. « Que restera-t-il de notre industrie après cette saignée ? interroge-t-elle. La réponse est rien. » Quelques dizaines des 280 salariés de l’usine de MA France, à Aulnay-sous-bois (Seine-Saint-Denis), en grève depuis six mois pour réclamer des conditions de licenciement dignes après que leur activité a été délocalisée par Stellantis, sont présentes.
Mehdi, agent de maintenance, n’a toujours pas de conseiller pour le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) auquel ont en principe droit les licenciés économiques. Comme la totalité de ses collègues, il n’a pu disposer de formation et reste donc sans emploi.
Pour l’ouvrier de Flex-N-Gate, Christophe Schich, « la mission de Carlos Tavares est de baisser les coûts, accroître les cadences et gaver les actionnaires ». Le patron de la multinationale, dont le salaire a atteint l’année dernière 36 millions d’euros, animait une conférence deux jours plus tôt au Mondial de l’auto.
Il y justifiait cette culture du « low cost » par sa volonté d’agir pour le climat et de faire face à la concurrence du géant qu’est la Chine en termes de voiture électrique. La première marche vers le tout-électrique, fixée au 1er janvier 2025, avant une seconde à l’horizon 2035, est devenue un argument récurrent pour les constructeurs bénéficiant d’aides françaises qui souhaiteraient délocaliser leur activité.
« Il faut cesser l’hypocrisie, rétorque la cégétiste Sophie Binet. On ferme d’ailleurs aujourd’hui en France des sites de production de voitures électriques comme l’usine Renault de Flins (Yvelines), en mars. » Pendant ce temps-là, le ministre délégué chargé de l’Industrie, Marc Ferracci, était lui aussi occupé à déambuler entre les bolides dernier cri, préférant rassurer les constructeurs, accompagné du président de la Plateforme automobile (PFA), Luc Chatel, organisateur du salon. Pour enrayer l’urgence sociale et environnementale que représente la crise du secteur automobile, le ministre propose des réponses « au cas par cas ».
Le bonus écologique s’apprête à être à nouveau raboté ; en revanche, des « aménagements seront trouvés pour accompagner les constructeurs qui subiront des sanctions à partir de 2025 ». Les travailleurs français, eux, peuvent rester sur le bord de la route.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !Je veux en savoir plus.