C’est un jour à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire d’Ubisoft, le géant français du jeu vidéo. Dès 14 heures, le piquet de grève est planté devant le studio Ubisoft à Montreuil. Les représentants syndicaux occupent le hall, avec les drapeaux de leurs syndicats : Solidaires Informatique, le Syndicat des Travailleurs du Jeu Vidéo (STJV) et la CFE-CGC.
« Nous avons demandé une augmentation générale de 5% (…) La direction propose 2,8% d’augmentation, comme l’an dernier», a expliqué Pierre-Etienne Marx, directeur technique en narration chez Ubisoft et élu STJV, « nous avons donc rejeté le projet d’accord.»La semaine dernière, l’entreprise a annoncé des résultats supérieurs aux prévisions des analystes pour le troisième trimestre de son exercice 2023-2024.
Un mobilisation nationale
Les représentants du personnel, élus seulement depuis octobre 2023, appellent les salarié.e.s à faire grève dans tout le pays. Ces délégués syndicaux sont apparus à l’occasion du deuxième anniversaire du STJV, leur donnant l’aplomb de créer un précédent dans lequel les autres syndicats ont pu s’engouffrer. Pour que ces expériences de jeu soient rendues possibles, des concepteurs , des développeurs, des chefs de projet dans la narration sont indispensables à ce travail collectif. Autant d’artisans du virtuel qui se mobilisent aujourd’hui pour alerter sur l’insuffisance de leurs revenus.
Les raisons du mouvement : des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur leurs salaires. Suivant la rentabilité occasionnée, une enveloppe était habituellement calculée par rapport à la masse salariale et enregistrée par le siège, proposée aux RH puis appliquée pour chaque studio. Bien qu’Ubisoft augmente ses travailleurs et propose des aides comme ce fut le cas l’an dernier pour les salaires annuels en dessous de 37 000 euros, la société continue d’utiliser les augmentations comme variable d’ajustement en les maintenant à un seuil de 2,8%. Alors même que les derniers résultats annoncés par le PDG Yves Guillemot, le 8 février 2024, sont supérieurs aux prévisions faites.
Des augmentations insuffisantes, symptôme d’un mal être global
«On est dans une situation où chaque personne compte. Une personne malade ou qui part en vacances, c’est du travail qui se répercute sur d’autres et qui les place en surcharge», déplore Jocelyn Trudemi, directeur technique du level design.
Lors des discussions, sont évoquées les pressions exercées par le volume de travail, allant même parfois jusqu’au burn out ou au harcèlement. Des répercussions qui impactent la vie des créateurs de jeux mais aussi les jeux eux-mêmes, symboles d’une œuvre collective. Les développements prennent plus de temps, des productions sont mises à l’arrêt puis recommencées, certains sont insatisfaits de la qualité des jeux qu’ils proposent…
Pour faire entendre leur mécontentement, les 70 personnes réunies à Montreuil se sont rendues devant le siège d’Ubisoft à Saint-Mandé. Ailleurs en France, d’autres piquets de grève ont rassemblé une trentaine de personnes à Annecy ainsi qu’à Montpellier. Au total, entre 400 et 500 grévistes ont été comptabilisés selon les estimations des syndicats. Après la réussite de cette première journée d’action, les ouvriers du jeu vidéo se laissent la possibilité de continuer la lutte.