Lorsque le PDG de la CMA CGM Rodolphe Saadé entre dans une pièce, la température dégringole de 15 degrés. Autour de lui, certains cadres craignent même de grimper les échelons, redoutant une proximité avec le glacial milliardaire franco-libanais, dont les comportements intrusifs et imprévisibles ont été relatés par de nombreux témoignages, auprès de l’Humanité. « Il peut décider que tu sautes après un seul rendez-vous en tête à tête », rapporte un ancien salarié. Pour son épouse, Véronique Albertini, de son nom de jeune fille, c’est tout le contraire. Très présente à ses côtés mais plus effacée, elle est perçue comme « une personne à l’écoute », « bienveillante », « plus avenante », « souriante » voire « solaire ».
Pour beaucoup, elle facilite habilement les relations au sein du groupe, à l’abri des regards, tout en se montrant suffisamment pour faire savoir qu’un membre du clan est là. Forte de ses capacités sociales, elle contribue grandement à la tentaculaire stratégie de la famille Saadé, dont elle est partie prenante depuis sa rencontre avec Rodolphe Saadé en 1998. Le couple forme un duo complémentaire pour tenir leurs 160 000 salariés en ordre de bataille à travers le monde. Les classiques bon et mauvais flics, en somme.
Aux côtés du nouveau magnat des médias
Dans la tour CMA CGM, haute de 147 mètres et dominant le quartier de la Joliette à Marseille (Bouches-du-Rhône), le climat est tendu, de vives pressions sont exercées sur les employés quant aux objectifs et le turnover est important. Depuis qu’il a succédé à son père en 2017, Rodolphe Saadé fait régner la terreur comme Jacques Saadé l’avait fait avant lui durant près de quarante ans. Dans la cité phocéenne, ville d’adoption de la famille d’origine syrienne, ayant ensuite fui la guerre au Liban, la CMA CGM est aujourd’hui le premier employeur privé, avec plus de 5 000 emplois. D’une unique ligne Marseille-Beyrouth à son actuelle envergure, l’armateur a toujours su cultiver son ancrage local.