G., le fils de Samuel Paty, a compris du haut de ses 9 ans que « justice a été rendue pour son père ». C’est ainsi que Me Francis Szpiner, l’avocat du jeune garçon et de sa mère, a accueilli vendredi 20 décembre le « verdict équilibré » de la cour d’assises spéciale de Paris, rendu au terme de plus de sept semaines d’audience. Les juges professionnels de cette cour antiterroriste ont globalement suivi les réquisitions du parquet général envers les huit coaccusés, ne s’en éloignant que pour les alourdir quelque peu. Ce qui a provoqué dans la salle d’audience de vives réactions de leurs familles, alors que la défense avait le plus souvent plaidé l’acquittement.
Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, « pleinement conscients des convictions djihadistes » de leur ami Abdoullakh Anzorov, sont ceux qui pourtant, selon l’accusation, « lui ont fourni les conditions matérielles de les mettre en œuvre » en assassinant le professeur d’histoire-géographie, le 20 octobre 2020. Pour cela, ils ont été tous les deux condamnés à 16 ans de prison. Le 19 octobre 2020, ils avaient accompagné Anzorov à l’armurerie de Rouen où il avait acheté un couteau – un cadeau pour son grand-père, ont-ils maintenu à l’audience. Le lendemain, c’est Boudaoud, seul à détenir un permis de conduire, qui avait déposé l’assassin à proximité du collège du Bois-d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, où exerçait Samuel Paty. Le parquet avait demandé la requalification de leur incrimination en association de malfaiteurs terroriste, pour laquelle la peine maximale est de 30 ans, mais les juges ont maintenu l’accusation initiale de complicité d’assassinat terroriste, pour laquelle ils encouraient la perpétuité. Pourtant, le prononcé reste proche des réquisitions, qui étaient de 16 ans pour Epsirkhanov et 14 ans pour Boudaoud, assortis chaque fois d’une peine de sûreté des deux tiers – que la cour n’a, au final, pas retenue..
Lourdes sanctions pour les responsables de “l’enchainement causal”
Aux termes du verdict, Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui les rejoignent dans la même incrimination, l’association de malfaiteurs terroriste, avec des peines proches : 13 ans pour le premier, 15 ans pour le second. La sanction est cette fois nettement plus lourde que les réquisitions, qui avaient été respectivement de 10 et 12 ans. Pour la cour, ils ont été ceux qui ont « préparé les conditions d’un passage à l’acte terroriste » a expliqué le président Franck Zientara. En refusant de voir le mensonge de sa fille, qui accusait Samuel Paty d’avoir exclu les élèves musulmans de son cours sur la liberté d’expression auquel elle n’assistait pas, puis en diffusant une vidéo où il traitait l’enseignant de « voyou », Brahim Chnina a été selon l’accusation à la base de « l’enchaînement causal » ayant abouti à l’attentat, « déclenchant sur les réseaux sociaux une campagne de haine » contre Samuel Paty.
Dans cette campagne, Abdelhakim Sefrioui a joué « un rôle essentiel » par son « autorité proclamée » de soi-disant imam sur Chnina et sa fille, par exemple en orientant les réponses de celle-ci dans une vidéo dont il n’a certes pas pu être démontré qu’Anzorov l’avait vue, mais qui en « désignant Samuel Paty comme cible » sur les réseaux sociaux, a participé selon la cour à l’engrenage fatal. Bondissant à l’énoncé du verdict, Sefrioui, qui n’a jamais voulu reconnaître le début d’une responsabilité et s’est même régulièrement victimisé au cours des débats, s’est écrié à l’adresse du tribunal: « « J’ai compris que vous avez fait de la politique, pas de la justice ! ». Il a eu le temps d’annoncer qu’il ferait appel, avant que le président le rappelle à son obligation de silence. Un de ses conseils a cru bon de faire de lui « un prisonnier politique » : il a aussitôt été désavoué par un autre des avocats de Sefrioui.
« une atteinte irrémédiable aux valeurs de la République et à la laïcité »
Les quatre derniers accusés relèvent de ce qu’on a appelé la « djihadosphère » : ils étaient en contact avec Anzorov via les réseaux sociaux, ont échangé avec lui, l’ont encouragé avant ou lui ont rendu hommage après l’assassinat. Pour Ismaïl Gamaev et Louqmane Ingar, la cour a là encore retenu l’association de malfaiteurs terroriste. Le premier écope de 5 ans de prison dont 30 mois de sursis probatoire, le second de 3 ans de prison dont 2 ans de sursis probatoire. Pour provocation au terrorisme, Priscilla Mangel est condamnée à 3 ans de prison avec sursis probatoire ; enfin, pour apologie du terrorisme, Yusuf Cinar reçoit un an avec sursis, assorti d’un suivi socio-judiciaire obligatoire.
L’assassinat de Samuel Paty, « d’une barbarie absolue », a constitué « une atteinte irrémédiable aux valeurs de la République et à la laïcité, au sanctuaire de l’école », a souligné le président en motivant les décisions du tribunal. Il a causé « un émoi considérable dans le pays et plus particulièrement au sein du corps enseignant, et un traumatisme définitif et durable notamment pour son fils de 5 ans ». Un traumatisme collectif que la justice sait impossible à réparer, mais qu’à défaut elle a tenté d’apaiser.
Avant de partir, une dernière chose…
Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :
nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.
L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.Je veux en savoir plus