Le décalage fait froid dans le dos. Plus de deux ans après la mort de Moussa Sylla suite à un accident alors qu’il nettoyait le sol d’un parking de l’Assemblée nationale sur une autolaveuse, l’entreprise Europ’Net qui l’employait est plus florissante que jamais. Le chiffre d’affaires, qui atteignait déjà 50 millions d’euros l’année du décès de ce père de famille, a encore augmenté, tout comme le nombre de salariés, apprend-on notamment au cours du procès au tribunal d’instance de Paris, ce vendredi 25 octobre, où la société et ses deux principaux dirigeants, Carlos de Moura et Stéphane Payan, sont cités à comparaître.
Le samedi 9 juillet 2022, Moussa Sylla, qui cumulait les contrats pour subvenir aux besoins de sa famille en Mauritanie, circulait avec une autolaveuse entre le quatrième et le cinquième sous-sol du Palais Bourbon. Soudain, il a perdu le contrôle de la machine et a été éjecté contre un mur, que sa tête a heurté violemment. Pris en charge par les pompiers, son pronostic vital était déjà engagé, et il est décédé trois jours plus tard.
Les prévenus sont accusés d’avoir involontairement causé la mort du travailleur en n’ayant ni mis à disposition une autolaveuse adaptée, ni correctement formé Moussa Sylla à son utilisation. Autant de manquements qui constituent des violations au code du travail. Les deux dirigeants clament leur innocence. Et du côté de la défense, la relaxe est plaidée.
« Une entreprise qui a les moyens »
Mais pour Maître Cédric de Romanet de Beaune, avocat de la famille de la victime, les prévenus sont coupables d’une « globalité de fautes en cascade ». « On est face à une entreprise importante qui a les moyens de développer une prévention des risques efficaces, et qui ne l’a tout simplement pas fait » lance-t-il. Selon lui, cette négligence a une raison simple : « Ça coûte cher » assène-t-il. Et de poursuivre : « Le problème, c’est l’argent. On a une entreprise florissante sur le dos de ses salariés ».
Ce procès, très attendu par les proches du défunt, intervient après que le parquet de Paris a décidé de poursuivre la société de nettoyage et ceux qui la dirigeaient. Suite à la mort du travailleur, l’inspection du travail avait mené une enquête et déposé un signalement d’infraction auprès du parquet.
« Les accidents du travail ne sont pas dus à la fatalité », affirme le ministère public, qui rappelle que l’autolaveuse que Moussa Sylla utilisait n’était pas destinée à ce genre d’inclinaisons de sol. Et d’assurer : « L’équipement fourni à Moussa Sylla n’était pas conforme. La preuve, elle n’est plus utilisée dorénavant pour nettoyer le parking, car elle n’est pas adaptée ». Ainsi, le moment où Moussa Sylla est tombé n’est pas le résultat d’« un coup du sort, mais (de) l’absence d’une prévention des risques fautive et délibéré », selon la procureure en charge du dossier.
« La sous-traitance, c’est la maltraitance »
Deux ans avant la tenue du procès ce vendredi, quelques jours après le drame, un rassemblement avait été organisé pour demander justice, en présence de députés. « Il faut que des leçons très fermes soient tirées. Pourquoi le laissait-on emprunter un trajet dangereux, sur une pente trop inclinée, avec sa lessiveuse ? », interrogeait alors le député Alexis Corbière, à l’époque étiqueté FI.
De son côté, Rachel Kéké, désormais ex-députée FI et ex-gréviste à l’Ibis Batignolles, s’était mise en colère, saisie par l’émotion : « Quand je dis que la sous-traitance, c’est la maltraitance et l’humiliation, ce n’est pas de la rigolade (…) Un homme est mort, a-t-elle répété à plusieurs reprises. Nous ne sommes pas des esclaves, nous avons besoin de respect. »
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