Saint-Quentin-Fallavier (Isère), envoyée spéciale.
Les braseros fument depuis 6 heures du matin devant l’usine Valeo à Saint-Quentin-Fallavier, signe d’un piquet de grève imminent. Malgré le froid glaçant du matin et le plan social annoncé il y a quinze jours, les salariés ont trouvé le courage de sortir, au moins « pour exiger de partir dignement », souligne Pierre-Ange Carmona, délégué syndical CAT.
Les feux se multiplient à mesure que le rassemblement se déploie en ce jour de mobilisation pour l’emploi dans l’industrie, à l’appel de la CGT, rejointe par Solidaires. Les soutiens affluent, certains avec des palettes ou des pneus ; d’autres avec des tartes. L’ambiance est à la solidarité, mais les regards sont inquiets.
Fin novembre, la direction nationale de Valeo a officialisé une sévère coupe dans les effectifs de sa branche électrique : plus de 1 200 licenciements, dont 238 dans son site isérois. Si les salariés s’y attendaient depuis mi-juillet, l’annonce a été aussi brutale que le catalyseur d’une lutte plus offensive. « Ça a été un coup de massue totale, explique Serge Gonnenez délégué syndical SUD. Depuis, la plupart des collègues ne trouvent plus de sens à travailler à Valeo ; même ceux qui vont rester, ils n’ont plus confiance. »
« On n’a plus rien à perdre »
Épuisés par le « monologue social » de la direction, les salariés sont déterminés à « négocier des indemnités et des conditions dignes de ce nom à la direction », annonce Pierre-Ange Carmona, délégué CAT. Une majorité des 305 salariés ont suivi le mouvement, las d’une situation anxiogène depuis l’annonce de la réorganisation du groupe. « On n’a plus rien à perdre », résume une salariée en grève de la recherche et du développement (R & D). À ses côtés, un développeur abonde : « J’ai 28 ans et je vis un plan de licenciement, alors même que c’est le directeur qui est venu me chercher pour travailler ici il y a quatre ans. »
L’incompréhension domine d’autant plus que Valeo a engrangé 221 millions d’euros de bénéfices l’an dernier. Pourtant, le groupe licencie. Ou plutôt délocalise. « On développe un moteur hybride qui sera finalement produit en Turquie », regrette une salariée en grève. « Une délocalisation qui ne dit pas son nom, c’est honteux », dénonce Mathieu Gaget, maire de Saint-Quentin-Fallavier. Selon Pierre-Ange Carmona, « l’argument financier est mensonger puisque leur seule préoccupation est de dégager toujours plus de marges pour les actionnaires ».
Pour les cinq députés FI venus sur le piquet de grève, l’urgence est à « interdire les licenciements boursiers ». Pour Elisa Martin, députée de la 3e circonscription de l’Isère, le soutien des élus est « important pour mettre de la lumière sur ces pratiques patronales inacceptables et l’État face à ses responsabilités. Il est actionnaire à hauteur de 10 % de Valeo. Il a son mot à dire ». D’autant plus que le groupe a reçu 76 millions d’euros d’argent public en 2023.
Empêcher l’effet domino
Dans l’immense parc d’activité des Chênes, sept fois plus grand que Rungis, des croix funéraires factices annoncent le site de Valeo en sursis qui, il y a quelques années pourtant, était le premier employeur du secteur. « Une entreprise qui ferme, c’est une perte de recettes pour le territoire, souligne Jean Papadopulo, président de l’agglomération de la porte d’Isère, ça se répercute sur tout le monde, sur les services publics aussi. »
Un constat partagé par Éric Hours, conseiller régional communiste en Auvergne-Rhône-Alpes (Aura). Ce dernier se prépare d’ailleurs à porter deux amendements lors d’une prochaine commission économique régionale : « D’une part, la création d’un observatoire des entreprises en difficulté ; d’autre part, la création d’un fonds de solidarité aux entreprises en difficulté avec évidemment un contrôle en accord avec les organisations syndicales. »
La région a beau être la plus industrielle de France, elle n’est pas moins épargnée par la multitude de plans sociaux. À quelques kilomètres de Valeo, les salariés de Vencorex sont en grève. « De grosses sociétés qui ferment, c’est une multitude de sous-traitants, TPE et PME qui se retrouvent en danger, dénonce Étienne Ciapin, cosecrétaire Solidaire de l’Isère. Un effet domino qu’il faut à tout prix empêcher par un rapport de force durable. » Cette journée d’action du 12 décembre était censée créer une convergence des luttes sociales. « Le nom de votre journal résume assez bien notre souci aujourd’hui, conclut Mathieu Gaget, c’est d’avoir un peu d’humanité pour ceux qui travaillent ici. »
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