La nouvelle est tombée en juin avec la brutalité d’une décision prise en catastrophe. « Les plafonds d’emploi » étant « atteints », plusieurs dizaines de postes ont été « gelés », jusqu’à décembre 2024, voire pendant l’année 2025, au ministère du Travail, notamment à l’inspection du travail, qui a déjà perdu 19 % de ses effectifs entre 2015 et 2021.
Face à cette saignée, une intersyndicale est mobilisée pour réclamer la reconduction des agents frappés par ce plan « social », qui serait directement lié, selon Simon Picou, membre du bureau national de la CGT-TEFP (Travail, emploi, formation professionnelle), aux 10 milliards d’euros sabrés dans les budgets de l’État par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie.
Vous affirmez qu’un plan social à bas bruit est à l’œuvre au sein du ministère du Travail. Comment se traduit-il ?
C’est en effet un véritable plan social. Plusieurs dizaines de collègues qui avaient un boulot et devaient le garder vont désormais devoir s’inscrire à Pôle emploi, sous prétexte que « les plafonds d’emploi ont été atteints ». Les postes supprimés étaient occupés par des contractuels, mais aussi des fonctionnaires, dans tous les services du ministère du Travail, notamment au sein de l’inspection du travail. Cela va de l’insertion par l’activité économique à l’unité régionale qui gère le Fonds social européen, jusqu’au secrétariat des unités de contrôle.
Il y a un mélange de tout, avec des situations aussi brutales qu’aberrantes. Il y a, par exemple, ces collègues à qui on avait écrit que leur contrat allait être prolongé et qui ont vu leur direction revenir sur cet engagement dans les quinze jours précédant l’arrivée à terme du contrat initial. Ou encore cette autre agente, en Seine-et-Marne, qui avait commencé à travailler, avant qu’on lui annonce qu’elle devait finalement partir au bout de deux jours, faute de budget. Une autre fonctionnaire, elle, avait reçu un accord pour un détachement, finalement refusé au dernier moment, alors qu’elle avait déjà été remplacée dans son administration d’origine.
Notre mobilisation a permis d’obtenir la reconduction de six agents contractuels pour un an, mais le compte n’y est pas. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), nos collègues de l’inspection du travail sont confrontés au même problème, avec des unités de contrôle vidées de leurs agents. Ce qui se passe en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur va nécessairement se propager à d’autres régions.
Un lien a-t-il été établi par la direction avec les restrictions budgétaires décidées par Bruno Le Maire en avril ?
La direction n’a pas fait le lien mais il est, à nos yeux, évident. Ces décisions sont tombées très rapidement après les restrictions budgétaires de 10 milliards d’euros qui ont eu pour conséquence de fermer brutalement tous les robinets au ministère du Travail, avec la complicité de Catherine Vautrin, une ministre qui, malgré nos sollicitations multiples, ne nous a pas reçus une seule fois pendant tout son mandat.
Pas même quand nos collègues ont été victimes de menaces de mort par les exploitants agricoles de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne, qui ont éventré et pendu un sanglier devant les locaux de l’inspection du travail, en janvier 2024.
Ce mépris pour les organisations syndicales et ces décisions brutales sont d’autant plus scandaleux que ces dernières n’ont aucune légitimité démocratique, car la politique de casse des services publics mise en œuvre par ce gouvernement a été largement rejetée par les urnes lors des élections législatives. Or, ces ministres, qui sont censés gérer les affaires courantes, n’en continuent pas moins de prendre des décisions d’une gravité extrême et de figer cette politique.
Quelles répercussions cette suppression d’effectifs aura-t-elle sur le fonctionnement des services ?
Les missions ne disparaissent pas pour autant et cela va inévitablement se traduire par un accroissement de la charge de travail pour les agents restants, déjà épuisés. Dans les services en contact avec le public, s’imposera une diminution des plages de réception.
Par exemple, dans mon unité de Seine-Saint-Denis, au sein du service de renseignements en droit du travail, une agente qui part à la retraite ne sera pas remplacée et cela aura forcément des conséquences sur les équipes. Pour les situations les plus graves, comme chez nos confrères de l’inspection du travail en Paca, il va y avoir tout simplement une interruption du service. Si plus aucun accueil n’est assuré, l’accès au service est impossible.
Il faut par ailleurs savoir que la plupart des postes concernés, comme l’insertion par l’activité économique, sont dédiés à l’aide aux travailleurs les plus vulnérables, les publics les plus éloignés de l’emploi. Tout cela a un coût humain pour les agents, mais aussi pour les usagers.
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