Au Mans, à Lyon, devant le tribunal de Créteil (Val-de-Marne)… Ce vendredi 5 juillet, des centaines d’avocats et d’élèves avocats ont manifesté après l’appel d’un site d’ultradroite à « éliminer » les avocats signataires d’une tribune contre le Rassemblement national, publiée dans Marianne. La liste, diffusée le 3 juillet sur le site « Réseau libre – le réseau des patriotes » est illustrée par une photo d’exécution à la guillotine et reprend les noms des signataires de la tribune.
L’indignation a été immédiate. Le bâtonnier de Paris, Pierre Hoffman, a dès le lendemain saisi la procureure de la République de Paris, après ces appels au meurtre très explicites : le blog intime à ses lecteurs d’envoyer les signataires de la tribune « dans un fossé ou dans un stade ».
« Un appel explicite » au meurtre d’avocats en France
L’Association des avocats pénalistes a estimé qu’il s’agit « de la première fois qu’il est explicitement appelé en France au meurtre d’avocats. Nous dénonçons ces dérives depuis plusieurs mois, nous nous joindrons au signalement effectué au Parquet de Paris et assurons aux confrères concernés notre inconditionnel soutien. » Le Syndicat des avocats de France lui a emboîté le pas en prévenant qu’il n’hésitera pas à aller en justice.
« L’extrême droite aux portes du pouvoir, ce sont des listes d’avocats à éliminer qui sont publiées. Un rappel qu’il est plus que jamais nécessaire d’y faire barrage. Le SAF apporte tout son soutien aux consœurs et confrères visés et engagera les procédures qui s’imposent ». Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a également « condamné avec la plus grande fermeté la publication par un site d’extrême droite d’une liste d’avocats à éliminer ».
Le 2 juillet, une centaine d’avocats – membres des barreaux de Paris, Caen, Strasbourg ou encore Montpellier – annonçaient se constituer en « brigade du droit contre le Rassemblement national » en cas de victoire du parti d’extrême droite au second tour des législatives, ce dimanche 7 juillet.
Dans Marianne, ils annonçaient leur intention de se mobiliser « pour faire annuler tous les décrets et toutes les lois iniques » comme la préférence nationale ou le rétablissement des peines planchers. L’initiative n’a pas été du goût du Réseau libre, qui affirme vouloir combattre les « vermines en robe noire ».
Le site Réseau Libre ne se contente pas des avocats signataires de la tribune. Il émet d’autres menaces à l’encontre du monde judiciaire en général. « C’est la grande majorité des avocats qu’il est nécessaire de neutraliser », peut-on lire. « La démocratie est plus que jamais menacée lorsque circulent des listes d’avocats à éliminer parce qu’ils remplissent leur mission », s’est insurgé Me Hoffman sur X. L’initiateur de la tribune, Me Jérôme Giusti, a expliqué pour Marianne : « C’est exactement ce que l’on craignait. Les avocats sont les premiers attaqués, parce qu’ils représentent l’État de droit. »
Une journaliste menacée de mort par le même site
Deux jours plus tôt, le 1er juillet, le même site d’extrême droite Réseau Libre, avait proféré des menaces de mort à l’encontre de la journaliste d’Arrêt sur images, Nassira El Moaddem, avec les mots suivants : « La valise ou le cercueil pour Nassira El Moaddem. » Le site lui reproche d’avoir écrit sur son compte X, « 12 millions de votants pour l’extrême droite. Je confirme : pays de racistes dégénérés », après les résultats du premier tour des élections législatives.
Il y a quelques semaines, le média en ligne Street Press avait enquêté sur Réseau libre. Il en ressort que ce site d’extrême droite, mis en ligne en 2015, s’est construit sur le rejet des « immigrationnistes, des pédérastes, des politicards, des immigrés, des bobos, des collabos, des juges rouges ». Son objectif affiché : « Dénoncer la vermine qui assassine la France. » Marianne a, de son côté, révélé que le site, hébergé en Russie, est administré par un certain Joël Michel Sambuis. Spécialisé dans l’escroquerie à la carte bancaire, cet ingénieur de 64 ans avait fui la France à la fin des années quatre-vingt-dix et trouvé refuge à Moscou. Les avocats signataires ont annoncé leur volonté de porter plainte.
Jeudi soir, les avocats signataires de la tribune ont porté plainte auprès du parquet de Paris pour « menaces de mort envers un avocat », « cyberharcèlement » et « provocation à la commission d’une infraction pénale ».
Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !
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