Pour Harry Potter, c’est Voldemort ; pour Luke Skywalker, c’est Dark Vador ; pour Batman, c’est le Joker. Mais, pour les libéraux, la grande ennemie n’a ni baguette magique ni sabre laser rouge et encore moins le sourire de l’ange. Cette Némésis n’est faite que de chiffres et de virgules. Et pourtant, elle serait la méchante ultime, le danger suprême, voire la priorité des priorités : la dette publique. Cette catastrophe latente justifierait à elle seule de tout mettre en œuvre pour l’éradiquer. Quoi qu’il en coûte, serait-on tenté d’écrire.
Les gouvernements passent mais l’antagoniste demeure. Elle gagne même du terrain, malgré les promesses de ceux qui se succèdent au pouvoir, tous pétris du même paradigme économique. Ce qui n’empêche aucunement les nouveaux arrivants, à chaque passation, d’y aller de leur alarmisme pour préparer les esprits au carnage. Ainsi, déjà en 2007, le premier ministre François Fillon se trouvait, d’après ses mots, « à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier ». Mais à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy en 2012, la dette avait progressé de 25 points pour presque atteindre les 1 900 milliards d’euros.
Un « prétexte pour justifier les coupes claires dans le financement des services publics »
« Qu’il n’y ait pas un euro de plus à la fin de mon quinquennat par rapport à son début en termes de dette », s’engage alors François Hollande, qui quittera l’Élysée avec 10 points de dette supplémentaires. Un libéral – un vrai, un dur – le remplace : « Ne pas réduire nos dépenses courantes et notre dette serait irresponsable pour les générations à venir », promet, en 2017, Emmanuel Macron. Sept ans plus tard, à la fin du deuxième trimestre 2024, la dette française avait progressé de 1 000 milliards d’euros (+ 17 points) pour dépasser les 3 200 milliards. Soit 112 % du PIB annuel au lieu des 60 % fixés par les critères européens, eux-mêmes arbitrairement définis par les libéraux. La faute au Covid et le fameux « quoi qu’il en coûte », jurent-ils. La faute à notre « modèle social », ajoutent-ils, assurant les uns après les autres que « la France vit au-dessus de ses moyens ».