Par Maryse Dumas, syndicaliste
Apprécier correctement le rapport de forces est sans doute l’exercice le plus courant que pratiquent collectivement et individuellement les militantes et militants. L’objectif n’est pas de parvenir à une analyse scientifique ou sociologique imparable. Il est de déceler les moyens par lesquels le faire évoluer dans un sens favorable aux salariés, à leurs revendications, à leurs luttes. Un rapport de forces n’est jamais figé. Bien sûr, il est dominé par les rapports de pouvoir : d’un côté les décideurs que sont le plus souvent gouvernement et patronat, de l’autre ceux et celles auxquelles les décisions s’appliquent. Ces derniers, s’ils ne participent pas aux décisions, ont cependant le pouvoir de les contrecarrer ou de les contrebalancer par leurs mobilisations.
C’est tout l’enjeu des luttes, de l’intervention syndicale, des batailles d’opinion publique. Pour apprécier le rapport des forces, on commence en général par éclairer ce que sont les objectifs poursuivis par le pouvoir et/ou le patronat et les moyens dont ils se dotent pour parvenir à leurs fins : arguments avancés, type de communication, agressive ou intégrative, cibles visées. Un deuxième temps d’appréciation consiste à analyser l’impact de la communication du pouvoir et comment, avec quels arguments, la démasquer voire la déstabiliser. Enfin, et c’est là le plus difficile toujours, il faut définir la tactique par laquelle l’action collective va pouvoir s’enraciner et se développer, y compris dans sa dimension unitaire, jusqu’à constituer une force suffisante pour stopper les décisions auxquelles on s’oppose et obtenir que les revendications l’emportent. Dans ces batailles, les facteurs psychologiques sont importants.
On prête à Clemenceau le propos selon lequel « la victoire revient à celui qui y croit cinq minutes plus longtemps que l’autre ». Dans la CGT, on dit souvent que « la conscience que l’on a du rapport de forces fait partie du rapport des forces ». De fait, quand on n’a pas le moral, quand on est convaincu que l’autre va de toute façon l’emporter, on ne mène pas la lutte de la même façon que lorsqu’on a un moral de vainqueur. Il ne s’agit pas d’enjoliver les situations, mais de trouver le fil à partir duquel on va tenter de les faire bouger en positif, surtout à partir duquel on va donner envie aux salariés de se mobiliser.
C’est dans ces termes qu’il faut aborder les questions posées par la réouverture « du chantier de la réforme des retraites » que vient d’annoncer François Bayrou. Pour lui, il s’agit surtout de gagner du temps et de l’espace politique, en renvoyant à d’autres la patate chaude, notamment aux négociateurs syndicaux et patronaux, au Medef surtout. Aucune illusion n’est donc permise. Pourtant, ce qui ressort de cette séquence, c’est qu’Emmanuel Macron et consorts, malgré tous leurs efforts, n’en ont toujours pas fini avec ce sujet. La décision de convoquer « un conclave » est l’indicateur d’un rapport de forces plus ouvert qu’il n’y paraît à première vue. Si les mots suspension ou abrogation n’ont pas été employés par le gouvernement, le chemin qui s’ouvre pourrait y conduire. À condition bien sûr que de puissantes mobilisations viennent appuyer les exigences d’abrogation qui seront portées dans la négociation. Pour y parvenir, il y a besoin que les salarié·es mesurent que le succès est possible et que cela dépend d’eux. La barre est haute, très haute, mais elle n’est pas inatteignable.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
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En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
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