Grande-Synthe (Nord), correspondance particulière.
Le groupe belge Clarebout qui investit 260 millions d’euros dans une usine devant produire chaque jour 1 200 tonnes de produits surgelés à base de pomme de terre ; la « giga-factory » de batteries automobiles Verkor qui promet 1 200 emplois d’ici 2027 ; la centrale nucléaire de Gravelines qui devrait accueillir deux réacteurs supplémentaires…
Les perspectives de développement industriel ne manquent pas dans le Dunkerquois. Ni, par conséquent, les besoins de transport de marchandises. Pourtant, 25 % des voies de la gare de triage de Grande-Synthe, toute proche, sont inutilisées, faute d’entretien suffisant.
Grande Synthe : un des treize « flux » du « plan de discontinuité »
Xavier Wattebled, secrétaire des Cheminots CGT du Nord-Pas-de-Calais, évalue à 28 millions d’euros « l’investissement pour remettre en état le triage », somme que refuse de débourser SNCF Réseau, au regard des 2,4 millions d’euros annuels de redevance que lui verse Fret SNCF pour le triage de Grande-Synthe.
D’ici quelques mois, le chiffre d’affaires du triage pourrait encore diminuer, avec la perte du convoyage de chaux et de pierres calcaires depuis les carrières de Caffiers (Pas-de-Calais) jusqu’aux hauts-fourneaux d’Arcelor-Mittal, à Dunkerque.
Ce trafic, qui emploie une quinzaine des 120 cheminots travaillant ici, fait partie des treize « flux » que le « plan de discontinuité » du gouvernement lui intime de céder au privé d’ici la fin de l’année. Le tout au prétexte de l’enquête ouverte par l’Union européenne sur le soutien financier de l’État à Fret SNCF entre 2007 et 2019.
Ce plan censé calmer Bruxelles se concrétise par une perte de 30 % du trafic national et la suppression de près de 500 emplois, soit environ 10 % de l’effectif. Cette menace a incité la CGT Cheminots à réagir ce mardi 18 juin, avec notamment des rassemblements dans le Nord, le Rhône et le Puy-de-Dôme.
Le maire fustige le « dogmatisme » de l’État
À Grande-Synthe, les cheminots locaux ont reçu le renfort de collègues venus de Lille, Valenciennes ou Boulogne-sur-Mer, chasubles rouges (CGT) et vertes (Sud-Rail) sur le dos. Invité à prendre la parole, Martial Beyaert, le maire socialiste, fustige le « dogmatisme » de l’État. « Je suis maire d’un village de 1 500 habitants qui est devenu une ville de 25 000 habitants quand l’État a voulu développer « la sidérurgie sur l’eau ». Des gens sont venus de l’Est de la France, du Maghreb, de l’Italie, du Portugal… »
Pour lui, les nouveaux développements industriels ne peuvent se faire sans fret ferroviaire : « L’autoroute A16 (Paris-Dunkerque, N.D.L.R.) n’est pas prête à absorber des milliers de camions supplémentaires. » Damien Lacroix, qui l’emprunte tous les jours, confirme.
Candidat LFI investi par le Nouveau Front Populaire dans la 13e circonscription du Nord, qui englobe Grande-Synthe, il prône des « raccordements ferroviaires » pour relier les usines au réseau de fret. En cas de victoire du Nouveau Front Populaire, il promet « un plan rail et fret ambitieux », « un moratoire sur la fermeture des petites lignes » et la remise en cause de « la privatisation de Fret SNCF ».
« Un train, cinquante camions de moins sur les routes »
« Un train, c’est cinquante camions de moins sur les routes », souligne Marc Lambert, secrétaire régional de Sud-rail. « Quel que soit le gouvernement » demain, prévient-il, « un rapport de force va devoir s’instaurer ; la grève sera nécessaire » pour arracher une « stratégie de développement » du fret.
Xavier Wattebled, lui, met en avant le « programme de rupture avec tout ce que nous avons subi des sept dernières années », proposé par « l’union des gauches derrière un Nouveau Front Populaire », qui provoque « déjà un vent de panique chez ceux pour qui le libéralisme est la seule voie ».
Interrogé par l’Humanité, Thierry Nier, le secrétaire général de la CGT Cheminots qui a fait le déplacement à Grande-Synthe, réclame que « l’État reprenne son rôle de stratège, avec une logique de services publics et d’aménagement du territoire », car le développement du ferroviaire « ne peut pas être renvoyé aux régions ».
« Nous allons entrer pleinement dans la campagne (des législatives) », prévient-il, voyant dans le programme du Nouveau Front Populaire « la possibilité de regagner une entreprise publique (ferroviaire) unique » et l’affirmation « que la concurrence est une mauvaise solution ». « Le RN, commente Thierry Nier, crée l’illusion en se disant contre la concurrence », alors qu’en Occitanie, par exemple, il s’est opposé à la convention de dix ans sur le TER, signée entre la Région et la SNCF. Quant à Éric Ciotti, sa position est claire : quelques jours avant la dissolution, il annonçait son intention de déposer une proposition de loi pour « privatiser la SNCF ».
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