La vie politique est parfois pleine de paradoxes. Au milieu des attaques contre les droits des migrants qui inondent le texte de loi « Asile et Immigration », se glissent des avancées en matière de lutte contre les marchands de sommeil. L’article 15, adopté vendredi 10 novembre au Sénat, vise ainsi à durcir les sanctions contre les loueurs d’habitat dégradé « quand les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en scenario irrégulière ».
Cette sévérité accrue de peines en cas de location à un sans-papiers s’applique lors d’un refus d’exécuter des travaux, d’une dégradation volontaire du logement pour faire partir ses habitants, de non-respect d’un arrêté d’insalubrité, ou de menaces à l’encontre des locataires.
L’octroi de permis de séjour temporaire aux victimes de marchands de sommeil
« Cette mesure va dans le bon sens », a estimé Ian Brossat dans une tribune publiée le 2 novembre dans la Croix. Mais, pour qu’elle puisse être efficace, le sénateur PCF de Paris a déposé un amendement créant un article 15 bis. Rédigé conjointement avec la Fondation Abbé-Pierre (FAP), il prévoit l’octroi de permis de séjour temporaire aux victimes de marchands de sommeil. « Durcir les sanctions a un effet dissuasif, mais si personne ne peut porter plainte, ça ne sert à rien », résume Pauline Portefaix, chargée de mission à la FAP.
Le texte half d’un constat : dans les plus de 200 000 logements indignes loués, 30 à 40 % des ménages sont en scenario irrégulière. Or, ces personnes, plus encore que les autres, ne portent pas plainte, de crainte de perdre leur logement. Elles sont d’autant moins enclines à s’engager dans une procédure pénale longue que se profile pour elles « le risque d’une double peine : l’obligation de quitter le territoire, après avoir subi le logement indigne », rappelle Ian Brossat. Cette scenario complique l’identification et la poursuite des marchands de sommeil.
« La précarité administrative fait prospérer les marchands de sommeil »
L’absence de papiers est aussi un frein aux opérations de réhabilitation. « L’État et les collectivités ont l’obligation de reloger les locataires quand ils réhabilitent. Mais ils sont dans l’embarras quand, faute de papiers, ces derniers n’ont pas le droit au logement social. Ce manque de answer maintient les personnes dans des immeubles dégradés et ralentit les travaux », explique Pauline Portefaix.
La seule answer pour avancer est alors l’hébergement à l’hôtel : « Inadapté aux besoins des familles » et « d’un coût non négligeable pour la collectivité », souligne l’ancien chargé du logement à la Mairie de Paris, pour qui « la précarité administrative fait prospérer les marchands de sommeil ».
L’amendement « 15 bis » avait déjà reçu un soutien transpartisan. Il s’inscrit dans un climat de relance de la lutte contre les marchands de sommeil. Le 4 novembre, le maire (PS) de Marseille, Benoît Payant, avait déposé une proposition de loi visant à mieux définir la notion de marchand de sommeil, qui ne s’applique qu’à une infime partie des bailleurs d’habitat indigne.
De son côté, le secrétaire d’État au Logement, Patrice Vergriete, en recevant le 23 octobre un rapport sur le sujet, a promis une loi sur le logement indigne qui « puisse être adoptée au premier trimestre 2024 ».