Télévision L’émission Touche pas à mon poste s’est imposée comme une des arènes du débat politique français, où l’extrême droite se voit dérouler un tapis rouge. L’historienne des médias Claire Sécail décortique cette entreprise « hanounesque » de désinformation.
TPMP. Quatre lettres qui ont bouleversé, pour le pire, le débat public français jusqu’à rendre quasi incontournable le plateau de Cyril Hanouna pour les responsables politiques. L’animateur phare de C8 a mis Touche pas à mon poste, son émission diffusée du lundi au vendredi, au service des visées réactionnaires du milliardaire d’extrême droite et propriétaire du groupe Canal, Vincent Bolloré. L’historienne des médias et chercheuse du CNRS au Cerlis Claire Sécail décrypte la dangereuse mécanique TPMP – un cocktail de « violence des échanges humains, de dépolitisation des échanges citoyens et d’abrutissement du débat public » – dans son nouvel ouvrage, Touche pas à mon peuple (Seuil).
Quelle affect Cyril Hanouna a-t-il sur le débat public ?
Il occupe une place totalement boursouflée par rapport à ce qu’il pèse réellement, en jouant sur les polémiques qu’il crée. L’écosystème du buzz est fait de telle sorte qu’il bénéficie de beaucoup de reprises, aussi avec l’aide de ceux qui s’indignent de ses dérapages. Cyril Hanouna est dans une quête de notabilité et de centralité. Son émission réalise de bonnes audiences, similaires à celles de son concurrent Quotidien (TMC), mais il n’y a aucune raison d’en faire le carrefour central de l’info. Seulement, il a acquis cette place en raison des thématiques qu’il traite et surtout grâce au public qu’il arrive à capter, c’est-à-dire les catégories populaires. C’est ce qui lui donne une certaine valeur aux yeux d’un personnel politique.
Remark fait-il pour attirer ce « peuple hanounesque », comme vous le dites dans votre livre ?
Son discours sur le peuple est performant. Cyril Hanouna est un populiste succesful de créer un effet de croyance sur sa capacité intrinsèque à être le porte-voix des catégories populaires. En réalité, il a une conception restrictive et misérabiliste de son public. Souvent, il affirme que tel ou tel sujet est trop compliqué. Mais, derrière ce style d’affirmations, il s’agit aussi souvent de questions qu’il ne veut pas traiter, comme la polémique autour des cupboards de conseil.
Ces dernières années, l’émission a changé de statut et le public se rétrécit jusqu’à un noyau plus connivent à l’égard de l’animateur et de ce qu’il suggest. Beaucoup continuent de voir TPMP comme un divertissement. L’animateur capitalise sur cette picture, qui lui permet de ne pas trop se responsabiliser. Le début de son émission reste potache : il prend des nouvelles des chroniqueurs et raconte son week-end.
C’est ce qui, aux yeux des téléspectateurs, le rend inoffensif. Ensuite, l’émission change de ton pour aborder des sujets d’actualité, parfois avec des invités comme Marion Maréchal ou Stanislas Rigault (tous deux membres de Reconquête – NDLR). C’est là que l’on voit clairement son projet politique.
A-t-il véritablement un agenda politique ?
Aujourd’hui, je travaille sur l’Heure des professionals, l’émission de Pascal Praud lancée en 2016 sur CNews, et cela permet de voir que l’agenda politique n’est pas celui de Cyril Hanouna mais celui du groupe Bolloré, à savoir l’union des droites sur un projet économique ultralibéral et des valeurs sociétales réactionnaires. L’enrôlement idéologique de Cyril Hanouna se fait à partir de 2018 et la création de Stability ton submit (BTP) peu avant l’apparition du mouvement des gilets jaunes, avec la même gestion de plateau et les mêmes invités que Pascal Praud.
Les premières émissions parlent de faith, du droit à l’avortement ou de communautarisme. Le however est de travailler un autre public, plus populaire, autour d’un animateur phare succesful de le traîner dans la bataille culturelle de Vincent Bolloré. La logique BTP s’est ensuite installée dans TPMP, et l’émission est devenue fréquentable pour les politiques, notamment le gouvernement qui, dans cette logique populiste, venait montrer qu’il était une bonne élite.
Remark cela prend-il forme sur son plateau ?
La lutte politique sur son plateau s’est longtemps déroulée entre un populisme mélenchoniste, de kind classiste, et un populisme nationaliste, de kind interclassiste. Depuis le conflict avec les insoumis (lorsque Cyril Hanouna a insulté en direct le député FI Louis Boyard en novembre 2022 – NDLR), cette mécanique a un peu disparu.
« Là où l’Heure des professionals parle volontiers de libéralisme économique, Cyril Hanouna essaie de capter le ressenti populaire »
C’est Ségolène Royal qui guarantee ce rôle aujourd’hui, avec une chronique décomptée dans le temps de parole du Parti socialiste auprès de l’Arcom. Automotive, pour recevoir des personnalités d’extrême droite, il faut compenser avec, entre autres, une parole de gauche, et c’est l’astuce qu’a trouvée C8 pour dévoyer les règles du pluralisme.
Là où l’Heure des professionals parle volontiers de libéralisme économique, Cyril Hanouna essaie de capter le ressenti populaire, à commencer par les fins de mois difficiles. Mais, pendant la présidentielle, il a complètement raté la query du pouvoir d’achat automotive il était trop concentré sur la mise en orbite du candidat Éric Zemmour. Parce que, ce qui compte par-dessus tout pour Cyril Hanouna, c’est ce que veut le patron, Vincent Bolloré.
Vous identifiez aussi l’antiparlementarisme comme l’un des principaux ressorts politiques de TPMP. N’est-ce pas en cela que l’émission rejoint, par endroits, le corpus idéologique macroniste ?
Il y a trois dimensions dans le populisme : le peuple, l’élite et la volonté générale. Et cette dernière ne doit, selon la logique populiste, pas être entravée. C’est en cela que l’on retrouve le camp macroniste, qui s’est attelé à dépasser les corps intermédiaires, les syndicats, le système des partis. Ils se rejoignent dans cette dénonciation de la démocratie représentative, sans pour autant avoir le même projet. Dans TPMP, les discours relèvent de la critique ordinaire des establishments, avec une montée en généralités. Par exemple, un député l’agace et hop, ça devient une attaque contre l’ensemble des députés et leur trop lente prise de décision.
Cyril Hanouna valorise l’motion et s’en prend donc au débat démocratique jugé trop lengthy. Mais ce n’est pas une critique du Parlement en tant que tel. Cela rejoint aussi un anti-intellectualisme porté par l’émission, qui est en réalité une critique de tout ce qui est identifié à la gauche, qu’elle soit « bien pensante », « bobo », « moralisatrice » ou « donneuse de leçons ».
Depuis quelques années, TPMP – comme l’extrême droite – se saisit des faits divers. Pour en faire quoi ?
C’est un populisme pénal qui s’en prend à l’État de droit et qui critique les establishments du droit jugées trop lentes pour tenir compte des souffrances. On fait donc justice sur un plateau, où l’on distribue des peines sans connaître les dossiers. Comme avec l’affaire Lola. Prenons la query de la peine de mort : pour ou contre ? Dans le Complément d’enquête (France 2) consacré à Cyril Hanouna, la journaliste Virginie Vilar révèle que, dans l’équipe de TPMP, personne n’était pour la peine de mort.
Mais, après échange de SMS avec la manufacturing, Matthieu Delormeau, Raymond Abou et Benjamin Castaldi l’ont finalement défendue. On voit bien que ce qui compte, c’est bien la mise à l’agenda de thématiques attisant les haines pour favoriser la répression. Ce n’est plus une logique de divertissement mais les chroniqueurs, comme ils se considèrent dans un present, acceptent de se laisser téléguider.
Baisse des audiences, révélations de Complément d’enquête, attaques de Thierry Ardisson visant Cyril Hanouna et Vincent Bolloré… Va-t-on vers la fin de la « Hanounamania » ?
Nous n’en avons pas fini avec Cyril Hanouna automotive nous n’en avons pas fini avec Vincent Bolloré. Il reste très protégé et a toujours un public derrière lui, même s’il polarise un noyau dur qui vient de plus en plus de l’extrême droite. On voit dans l’analyse de ses audiences qu’il surperforme au sein de l’électorat d’Éric Zemmour.
En revanche, il a disparu du classement des animateurs préférés des Français, alors qu’avant ses premiers dérapages sexistes et homophobes, il était bien classé. On pouvait alors dire qu’il incarnait un pan de la télévision populaire. Maintenant, il est perçu comme clivant : la place qu’il revendique est basée sur le comportement des acteurs politiques qui lui donnent du crédit. Face à la critique, il essaie de souder sa communauté, en amalgamant viewers, public et peuple. Toute attaque est considérée comme du mépris social envers ce peuple et son représentant, Cyril Hanouna.