« Tous pour un, un pour tous ! » Telle était la devise des mousquetaires d’Alexandre Dumas. « Tous contre un, un contre tous » pourrait résumer la scène du bureau Ovale de la Maison blanche à laquelle le monde entier a pu assister en direct le 28 février. Tous contre un, en effet. L’objectif était de démontrer la puissance du triumvirat chargé de la mise à mort symbolique de Zelensky. Un contre tous, car il a – plus que bien – su résister à l’offensive de manière digne et combative. Regardant la scène en direct, je m’étonnais que seuls les propos de Trump et Vance soient traduits sans qu’on parvienne à comprendre les réponses de Zelensky.
La publication par l’Humanité du 3 mars de la retranscription des échanges est de bout en bout éclairante : « Vous n’avez pas les cartes en main », lance, méprisant, l’autocrate de Washington. « Je ne joue pas aux cartes. Je suis très sérieux, je suis le président d’un État en temps de guerre », lui répond fermement Zelensky. « Je veux un cessez-le-feu », éructe Donald Trump.
« Demandez à notre peuple ce qu’il pense d’un cessez-le-feu », rétorque Zelensky. L’objectif du président américain était d’humilier son hôte. Mais il a été déjoué par la résistance de Zelensky, à la hauteur de la détermination du peuple ukrainien face à l’agression poutinienne. La scène se conclut sur une remarque incroyable de Donald Trump : « Je pense que nous en avons vu assez. Ça va être de la grande télévision ! » Sur quoi, l’image est coupée.
« Tout ça pour ça ! » serait-on tenté de dire. On aurait pu s’attendre à un vrai débat entre dirigeants confrontés à la guerre. Au lieu de quoi, on nous a livré une mise scène médiatique destinée à préparer les opinions publiques du monde entier à soutenir le renversement d’alliances de l’administration Trump et son attitude de racketteur en chef des ressources d’un pays déjà affaibli par trois années d’une guerre injuste et disproportionnée. « La guerre, c’est la poursuite de la politique par d’autres moyens », disait Clausewitz, il y a déjà fort longtemps.
La scène télévisée du bureau Ovale en est l’éclatante démonstration. Dans notre monde hyperconnecté, la guerre, ce ne sont pas seulement des armes, même si elles comptent, ce sont aussi les moyens de communication et d’échange. La surpuissance des réseaux sociaux entre les mains d’une poignée d’individus tous ralliés à Trump est un immense problème démocratique qui fragilise les capacités de résistance et de contre-offensive des peuples.
On se demande alors ce qui pourrait arrêter cette mécanique infernale. La remarque de Clausewitz nous l’indique : c’est plus que jamais la politique. Aux États-Unis d’abord ! Quelques légers signaux, bien faibles encore, semblent indiquer que, d’abord sonnée, une partie de la population commence à faire connaître son inquiétude sans que l’on puisse voir encore une réelle contre-offensive se dessiner. La même question se pose en Europe. Investir dans l’armement est loin d’être la réponse unique, peut-être même pas la meilleure.
Ce sont les peuples qu’il faut réarmer et réarmer politiquement en premier lieu, en leur donnant des raisons de se mobiliser pour défendre leurs valeurs et leurs modes de vie. Et cela passe par des politiques économiques et sociales qui répondent à leurs besoins et des pratiques démocratiques qui en fassent les acteurs principaux de leur destin. Nulle part, pour l’instant, il n’en est question dans les divers sommets européens, et c’est un immense problème.
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