Première d’une longue file d’attente, Juliette joue des coudes dans la boutique d’un disquaire lillois, à la recherche de l’objet de toutes les convoitises : un vinyle collector de Taylor Swift, affiché au prix de 49 euros. Tente minutes à peine après l’ouverture, le rayon est vide, dévalisé par d’autres Swifties – surnom que se donnent les fans de la chanteuse. Ce disque s’ajoutera à sa quinzaine de CD, affiches, bloc-notes, cardigans, tote-bags, puzzles et pins à l’effigie de la pop star. « Tout cela me coûte cher, alors je me limite à un objet de merchandising par Era (album pour les Swifties – N.D.L.R.) », précise l’étudiante en cinéma. Montant total : environ 900 euros, sans compter la place de concert à 159 euros pour la tournée The Eras Tour, le 11 mai, à Paris.
D’ici à la fin de 2024, 53 concerts de Taylor Swift se tiendront dans 20 pays autour du globe. Pour le plus grand plaisir des Swifties, qui ne comptent plus les euros déboursés pour leur idole. Les fans américains ont dépensé en moyenne 1 300 dollars en billet, transport, hôtel et tenue pour assister au concert, selon une étude de la firme QuestionPro. En France, le Paris La Défense Arena sera rempli les 9 et 12 mai à hauteur de 35 000 places par soir et le Stadium de Lyon accueillera 57 000 fans, les 2 et 3 juin. De quoi gonfler les comptes de Taylor Swift, désormais milliardaire. La vente de ses billets de concert et du merchandising (marché des produits dérivés) représente 370 millions de dollars de sa fortune, selon l’estimation du média économique américain Bloomberg.
Sur son site officiel, ses produits dérivés se vendent comme des petits pains mais c’est un autre trésor qu’elle protège jalousement : sa prose. Les paroles de ses chansons telles que « Party Like it’s 1989 » (faire la fête comme en 1989 – N.D.L.R.) ou « This Sick Beat » (ce rythme fou – N.D.L.R.) sont déposées à l’institut de protection intellectuelle américain. Ces morceaux de phrases ne pourront plus apparaître sur un produit commercial sans qu’elle ne donne son aval.
Albums réenregistrés et rachetés
L’autrice, compositrice et interprète américaine est la seule artiste à avoir franchi le seuil du milliard de dollars uniquement grâce aux revenus de sa musique. Onze albums composent sa discographie, allant de la country au folk jusqu’à la pop. Le tout représente un catalogue musical qui vaut 400 millions de dollars, toujours selon Bloomberg.
Pas de fausse note pour l’artiste : surtout lorsqu’elle décide d’enregistrer à nouveau ses six premiers albums. Ces derniers avaient été rachetés par le producteur Scooter Braun puis revendus à un fonds d’investissement, sans son accord. Lasse de la bataille judiciaire engagée en 2019, elle produit en 2020 une nouvelle version et récupère la totalité de ses droits. Les versions dites « stolen » (volées) sont boycottées par les fans, tandis que les « Taylor’s Version », celles réenregistrées et dont elle est propriétaire, prennent leur place dans les tourne-disques et lecteurs CD. Le soutien des Swifties est sans faille : « Par solidarité, j’ai racheté les versions que Taylor Swift possède, pas pour toutes les Eras, mais pour « 1989 », par exemple », raconte Juliette. Avec cet album, la chanteuse bat son propre record : il connaît un meilleur démarrage que l’original, sorti en 2014. Résultat : 1,65 million de ventes en une semaine.
Apple contre Taylor
Son catalogue musical ne se consomme pas seulement sous forme de CD ou de vinyle, mais aussi sur téléphone, en streaming. Là aussi, elle négocie durement ses conditions de rémunération. En 2015, elle fait plier Apple Music, réputé coriace, qui revoit sa politique tarifaire. Sur son blog, elle alerte ses fans : « Ce que vous ignorez peut-être, c’est qu’Apple Music ne paie pas les auteurs, les producteurs et les artistes durant la période d’essai (la période d’essai gratuite de trois mois réservée aux nouveaux abonnés – N.D.L.R.) ». Inflexible, elle menace de boycotter la plateforme en la privant de ses albums. Apple cède, Taylor empoche.
Le reste de sa fortune se compose de 80 millions d’euros de royalties, c’est-à-dire de redevances que perçoit l’artiste sur le pourcentage des ventes et des recettes d’exploitation. Bloomberg résume : « Ses compositions prolifiques, ses négociations autour du streaming et sa décision astucieuse de réenregistrer ses six premiers albums lui ont permis de connaître un succès financier massif à une époque où les musiciens ont perdu de leur influence dans l’industrie. » Sur le compte en banque de la chanteuse de 34 ans, c’est un montant à dix chiffres qui s’affiche.