Un « Tais-toi ! » lâché comme ça, sans agressivité mais avec une pointe de gourmandise, supplément rire sonore communicatif. La signature Swann Périssé, humoriste mi-sympathique mi-corrosive. L’auditoire se bidonne et Hugo Clément s’enfonce sur son siège. Non, le journaliste télé « autant détesté par les écolos que par les anti-écolos » n’échappera pas à son portrait piquant – son roast, comme disent les stand-upers anglo-saxons – débité par la nouvelle star de la jeunesse urbaine progressiste (600 000 followers sur YouTube, 385 000 sur Instagram).
Pour l’enregistrement en public au Théâtre de l’Européen du podcast Y a plus de saisons, garanti 100 % écologiste, Hugo Clément est venu en chemise de premier de la classe, là où un gilet pare-vannes aurait été plus judicieux. Car, Swann Périssé a ramené sa sulfateuse à galéjades.
Tout y passe : son physique avantageux, son arrogance, son couple instagrammable avec une ex-Miss France, ses combats animalistes… Et surtout sa participation controversée à un débat sur l’écologie, arbitré par l’hebdomadaire Valeurs actuelles, face à Jordan Bardella, en avril 2023.
« Jordan Bardella, Rassemblement national, Valeurs actuelles… Je ne sais pas si tu es adepte du libertinage, mais c’est vraiment le plan à trois à éviter absolument ! » cingle-t-elle. Avant d’enchaîner pour plus d’une heure d’échange, parfois drôle, parfois profond, sur la biodiversité, la chasse, les mangoustes et autres « petits animaux mignons » qu’il faut sauver.
Caravane et toilettes sèches
Voilà le condensé de la patte Swann Périssé : une caresse, un coup de griffe et une vanne. Avant Hugo Clément, l’activiste Camille Étienne, l’ex-ministre Cécile Duflot ou encore le réalisateur Cyril Dion sont aussi passés sur ce gril surréaliste, hybridation d’une interview fleuve et d’un spectacle d’humour. Toujours avec la même recette : « Parler de la fin du monde, avec des bonnes blagues. » Son podcast, véritable carton, est né en octobre 2023.
« Dans la vie, je suis amie avec des écolos et ils sont en réalité très drôles, justifie la néo-Montpelliéraine de 33 ans. Je voulais montrer une autre facette de ceux qu’on présente comme des rabat-joie alors qu’ils veulent qu’on puisse continuer à faire rire, manger à notre faim, faire la fête. Ils sont les bons vivants. »
La suite logique de sa seconde chaîne YouTube (113 000 fidèles) « Vert chez vous », lancée en 2020, pour laquelle elle a sillonné, en caravane, le pays pour aider, façon Valérie Damidot, ses abonnés à rendre leur maison plus éco-friendly. « J’ai une passion pour les toilettes sèches, assure-t-elle, premier degré. Avec ce qu’on considère le plus sale, on recrée la vie (en utilisant ensuite les excréments en fertilisant – NDLR). »
Un podcast, deux chaînes YouTube, des vidéos pour TikTok et Instagram. Et même un one-woman-show. Il faut bien toute cette hyperactivité pour canaliser cette colère, présente depuis le plus jeune âge et principal sujet de son spectacle féministe Calme, joué à guichets fermés, au Palais des glaces des semaines durant et qu’elle reprendra, en septembre, au Théâtre Édouard-VII. L’humour grinçant et politique comme catharsis.
« J’ai toujours été sanguine, sans savoir mettre de la distance. Et puis, j’ai compris que ça me faisait du bien de faire des vannes sur le sexisme et le réchauffement climatique. C’est le même désarroi. Et ça m’excite plus que de blaguer sur les relations avec la belle famille ou les galères du métro », retrace Swann Périssé.
« Gauche pâquerettes et solidarité »
Son regard « naïf », pense-t-elle, lui permet de pointer, depuis une dizaine d’années, « ce qui n’a aucun sens ». Comme le capitalisme qu’elle se plaît à dézinguer autant que le sexisme. « Tu ne critiques jamais le système, reproche cette diplômée de Sciences-Po à Hugo Clément. Alors, qu’est-ce que tu penses de la proposition de taxer les plus riches pour redistribuer les revenus et assurer une société plus égalitaire ? »
C’est sa façon de mener la bataille culturelle, entre deux blagues grivoises. Et de faire vivre les valeurs transmises par son père, ex-militant de l’aile gauche du PS et ancien fonctionnaire au ministère des Finances. « Mon côté “gauche pâquerettes et solidarité” vient de lui », sourit-elle. Mais les larmes montent vite aux yeux quand elle se remémore les « dingueries » d’un paternel prêt à recueillir Bodgan, un Polonais perdu dans le RER, ou à aider, deux heures durant, un vieil homme à retrouver sa maison.
Swann Périssé, une humoriste militante ? « Les gens le disent de moi », répond-elle, pudiquement. Un obstacle pour rêver plus grand ? De la télé, par exemple. Pas forcément puisque Y a plus de saisons serait « pas mal convoité ». « Mais ma hantise serait de ne plus pouvoir dire “ta gueule”. »