Il y a des années qui ne se résument qu’aux traînées de fumée. En 2024, les mois ont vu passer celles des pneus incendiés par toutes les colères comme celles d’une ère macronienne qui ne cesse de se consumer. Rembobinons. Janvier. Le président de la République veut relancer son deuxième quinquennat. Pour retrouver un nouveau souffle, et pour que l’année soit un « millésime », Emmanuel Macron promet lors de ses vœux un « nouveau cap ». À sa demande, le 8 janvier, Élisabeth Borne lui remet par conséquent sa démission et Gabriel Attal lui succède. Il devient, à 34 ans, le plus jeune locataire de Matignon de la Ve République. Avec un objectif : « Réarmer notre pays. »
Pendant ce temps, les grands axes routiers de l’Hexagone sont bloqués par de nombreux agriculteurs en colère. Déjà deux semaines qu’ils se mobilisent, las de ne pouvoir vivre de leur travail. Le soutien des Français pour leur cause est immense. Un mois plus tard, le président de la République sera lui-même confronté à cette colère. À Paris, au cœur du pavillon 1 du Salon de l’agriculture, le 23 février, des échauffourées éclatent et les insultes volent au point de compromettre la traditionnelle déambulation du chef de l’État.
Un résistant communiste au Panthéon, Le Pen en embuscade
Cette même semaine, Missak et Mélinée Manouchian entrent au Panthéon. Lui, résistant communiste étranger qui s’est vu refuser par deux fois la nationalité française et rescapé du génocide arménien de 1915, n’a pas hésité à prendre les armes pour la France et contre le nazisme.
Elle, documentait et livrait des informations secrètes pour la Résistance par ses compétences de dactylographe. Lutter contre l’extrême droite était le combat de leur vie. Et pourtant, Marine Le Pen annonce sa volonté d’assister à la cérémonie. « Les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes, avertit mollement Emmanuel Macron dans les colonnes de l’Humanité. Mais je ne vais pas, moi, par un geste arbitraire, en décider. »
Quelques jours plus tard, une éclaircie : le 4 mars, la France devient le premier pays à reconnaître dans sa Constitution la liberté de recourir à l’avortement. Réunis en Congrès à Versailles, 780 parlementaires ont voté pour et 72 contre. Plus de la moitié des seconds (42) sont issus des rangs du RN. « C’est un moment important pour toutes les femmes et un appel à tous les pays du monde à inscrire ce droit dans leur Constitution », résume Cécile Cukierman, sénatrice PCF et présidente du groupe CRCE-K.
Une campagne des européennes agitée par la guerre à Gaza
La France, locomotive mondiale du progressisme : un tableau aussi beau qu’illusoire. Alors que la campagne des élections européennes démarre, l’extrême droite fait largement la course en tête. La tête de liste du RN, Jordan Bardella, boude pourtant sans complexe un grand nombre de débats télévisés.
Jusqu’au duel que lui offrira sur un plateau le premier ministre Gabriel Attal. Une occasion qu’il saisit avec délectation, conscient de l’opportunité d’être présenté par le pouvoir comme premier rival.
Au même moment, la guerre à Gaza agite la campagne. La France insoumise, qui a fait de cette question son principal axe de campagne, subit un procès éhonté en antisémitisme. Les étudiants de la France entière, eux, se mobilisent contre le génocide en cours, de Sciences-Po aux universités. Les tensions montent au point de voir Raphaël Glucksmann, candidat de Place publique et du Parti socialiste, jugé par certains trop timide sur le sujet, se faire exfiltrer d’une manifestation du 1er mai à Saint-Étienne (Loire).
Deux semaines plus tard, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie devient un nouveau théâtre de tensions. Après le vote des députés d’un dégel du corps électoral, des émeutes éclatent, plusieurs morts sont déplorés et l’état d’urgence est décrété par la présidence.
À la colère populaire, l’État central répond par la répression. Sept indépendantistes sont interpellés et transférés en métropole. « Une déportation politique », dénonce alors l’Union calédonienne, composante du FLNKS.
Une dissolution surprise
C’est dans ce contexte brûlant que les Français de métropole et d’outre-mer se rendent aux urnes pour élire leurs députés européens. Sans surprise, le RN écrase la concurrence avec plus de sept millions de voix, le double de la candidate macroniste, Valérie Hayer, talonnée par Raphaël Glucksmann.
Au siège de ce dernier, l’heure est à la fête, on dit la social-démocratie sur le retour. Brève jubilation. Emmanuel Macron apparaît sur les écrans, proclame la dissolution de l’Assemblée nationale et annonce de nouvelles élections législatives. C’est parti pour trois semaines de campagne éclair.
Emmanuel Macron espérait que l’émiettement de la gauche lui permette d’incarner seul le front républicain face au RN, et de se refaire une majorité absolue. Peine perdue. Dès le lendemain de la dissolution, communistes, socialistes, écologistes et insoumis constituent le Nouveau Front populaire (NFP). Trois jours plus tard, un programme commun est annoncé.
La vague brune endiguée par le NFP
De l’autre côté du spectre politique, la droite éclate. Sans concerter ses troupes, le président bunkérisé des « Républicains » (LR), Éric Ciotti, annonce un accord avec Marine Le Pen pour une « union des droites ». Finalement exclu du parti, il rejoint avec quelques fidèles le giron du RN. Le bateau d’extrême droite tangue pourtant sérieusement. En cause : les casseroles de ses candidats, entre pose avec une casquette nazie et propos racistes…
Dans l’entre-deux-tours, un barrage républicain s’organise de la gauche à la Macronie pour empêcher le RN et ses alliés d’obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Résultat : la vague brune est endiguée et le NFP crée la surprise. En tête du scrutin, il obtient 182 sièges, auxquels s’ajoutent 13 divers gauche.
Légitimement, la gauche revendique le droit de gouverner. Emmanuel Macron, pour mieux repousser une cohabitation, déclare une inédite « trêve olympique et politique » à partir du 23 juillet. Ce même jour, après plusieurs semaines à s’empêtrer dans des négociations, le NFP annonce le nom de sa candidate pour Matignon. Le choix des partis se porte sur une relative inconnue, Lucie Castets, 37 ans, porte-parole du collectif Nos services publics.
La gauche interdite de gouverner et la censure historique de Barnier
Malgré le score de la gauche, jamais le chef de l’État ne la nommera, effrayé à l’idée de voir l’action de son camp détricotée, à commencer par l’impopulaire réforme des retraites. Le 5 septembre, l’ancien commissaire européen LR Michel Barnier est désigné premier ministre, à 73 ans.
Autour de lui se forme un « socle commun » réactionnaire et austéritaire. Aux restes de la Macronie s’agrègent ceux de la droite dite républicaine. Pour ne pas tomber, le septuagénaire va jusqu’à donner des gages au RN dans le cadre d’une alliance tacite. Ci-gît le front républicain formé lors des élections législatives anticipées.
Si les parlementaires de Marine Le Pen acceptent dans un premier temps de ne pas le censurer, ils changent de ton courant novembre en pleine discussion sur le budget, estimant que leurs lignes rouges sont ignorées. Le tempo interroge : les réquisitions du procès des assistants parlementaires RN viennent de tomber et elles menacent la candidate à la présidentielle d’inéligibilité.
Pour éviter la censure, Michel Barnier se met alors à plat ventre et offre plusieurs concessions au RN, dont la baisse des soins pris en charge par l’aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers. Rien n’y fera. Le 4 décembre, il est renversé.
Les débuts catastrophiques de Bayrou
Au pied du mur, tandis que les appels à sa démission se font pressants, Emmanuel Macron fait malgré tout le choix de s’entêter. Malgré plusieurs rounds de discussion avec l’ensemble des formations politiques, en dehors du RN et de la FI, il fait de François Bayrou le successeur de Michel Barnier, prolongeant l’existence d’un bien fragile socle commun.
Ses premiers choix étonnent, comme celui de se rendre au conseil municipal de Pau (Pyrénées-Atlantiques) plutôt qu’à Mayotte, endeuillé par le passage du cyclone Chido.
La composition de son gouvernement aussi, en particulier par la présence de revenants macronistes censés donner l’impression d’une ouverture à gauche : Manuel Valls aux Outre-mer, François Rebsamen à l’Aménagement du territoire…
En parallèle, des propos racistes, sexistes et homophobes tenus en privé sont attribués à Emmanuel Macron par le journal le Monde alors qu’il est filmé à Mayotte en train de sermonner des sinistrés en détresse. « Si ce n’était pas la France, vous seriez mille fois plus dans la merde », lance-t-il à la foule. De quoi prolonger l’incendie.
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