Strasbourg, correspondance.
« On a des enfants scolarisés au collège qui dorment dans la rue, et ne bénéficient pas des mêmes conditions que les autres élèves, ce n’est pas normal. On s’est rassemblés ce soir pour montrer à la Collectivité d’Alsace (les deux départements d’Alsace – NDLR) que des logements de fonction sont inoccupés, et qu’on pourrait loger ici au moins deux familles », explique Louis, assistant d’éducation à la vie scolaire au collège Lezay-Marnésia. C’est devant cet établissement scolaire que plus d’une centaine d’enseignants, de parents d’élèves, d’acteurs de l’hébergement d’urgence et d’élus ont manifesté vendredi soir dans le froid, avant qu’une délégation ne pénètre à l’intérieur de l’établissement scolaire pour l’occuper.
C’est la troisième fois depuis le mois de juillet qu’un collectif d’enseignants soutenu par les parents d’élèves se mobilise pour alerter la Collectivité d’Alsace (CeA), propriétaire des logements du collège, pour l’instant sans résultat. Au cours de la manifestation, les enseignants ont tous rappelé qu’ils poursuivraient la mobilisation tant qu’une solution ne serait pas trouvée. « Quand, en 2024, des enfants dorment dans la rue, je pense que c’est une obligation de se mobiliser pour leur trouver un hébergement décent et que ces enfants puissent dormir bien au chaud comme les autres enfants, c’est un droit », dit Nadia, parent d’élève.
162 logements de fonction seraient vacants
Des banderoles expliquant la situation ont été accrochées au mur de l’établissement, l’une d’elles désigne par leurs initiales les huit élèves du collège qui dorment dans l’un des campements de Strasbourg, le campement Krimmeri à la Meinau, qui regroupe surtout des réfugiés venant d’Afghanistan et de Syrie.
« Là, on est dans des situations où ce sont des familles qui arrivent avec un titre de réfugiés, c’est-à-dire avec un statut légal où la France leur accorde la protection, avec des enfants scolarisés, des droits qui sont ouverts, des possibilités de travailler et d’avoir des revenus, mais l’impossibilité de se loger, et on voit bien que dans les collèges, il y a des logements de fonction inoccupés », constate Germain Mignot, chargé de mission à la Fondation ex-Abbé Pierre, qui précise qu’actuellement, 33 000 personnes sont en attente d’un logement social dans la métropole de Strasbourg. Selon la CeA, 162 logements de fonction seraient vacants en Alsace dans les collèges.
Dans un courrier du 16 octobre aux élus qui l’avaient interpellé sur le sort des élèves à la rue, le président de la Collectivité d’Alsace, Frédéric Bierry, bottait en touche en rappelant que c’était à la préfecture de s’occuper de l’hébergement d’urgence, avant d’ajouter que les logements disponibles dans les collèges étaient de toute façon prévus pour héberger des mineurs non accompagnés « devenus jeunes majeurs ».
« Hypocrisie des pouvoirs publics »
« On se réjouit qu’on trouve des solutions pour les jeunes majeurs, en revanche les seuls majeurs qui peuvent être mis dans des logements de fonction sont des majeurs qui sont suffisamment autonomes, car les logements de fonction dans les collèges ne sont adaptés que pour des jeunes majeurs autonomes », explique Florian Kobrynz, conseiller départemental écologiste, qui a calculé qu’une trentaine de logements sur les 162 disponibles suffisent pour héberger les jeunes majeurs répondant aux critères, les autres logements restant vacants. « Donc, on peut bien à la fois accueillir les jeunes majeurs et mettre à l’abri les élèves qui sont à la rue », conclut-il.
Vendredi, les manifestants ont également rappelé que les logements occupés des collèges avaient déjà été utilisés pour héberger des réfugiés venus d’Ukraine, et qu’il n’y avait donc aucune raison de les refuser à des familles avec des enfants venant d’autres pays. « La Collectivité d’Alsace craint de ne plus pouvoir disposer de son parc de logements parce qu’elle avait l’intention de les mettre en location. Sachant qu’il y a des enfants à la rue dans tous les collèges de Strasbourg – d’un à trois enfants par classe dans chaque collège -, en réalité, tous les logements de fonction devraient pouvoir être ouverts pour les familles à la rue, et ça, la CeA ne le veut pas », observe Fleur Laronze, conseillère PCF d’Alsace.
Les enseignants ont annoncé qu’ils débutaient vendredi soir une occupation illimitée du collège Lezay-Marnésia, jour et nuit, tout en dénonçant « l’hypocrisie des pouvoirs publics » face à une situation d’urgence qu’ils auraient les moyens de régler avant l’arrivée des grands froids.
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