Le laboratoire Servier, dont la réputation a été largement ternie par l’affaire du Mediator, annonce voir grand pour un de ses médicaments, le Daflon, dont les indications officielles sont l’insuffisance veineuse et les crises douloureuses liées aux hémorroïdes. Il est annoncé un doublement de la production avec un objectif d’augmenter en proportion le chiffre d’affaires, qui a été de 622 millions d’euros l’an dernier.
Pour cela, l’argent ne manque pas avec un investissement de 230 millions d’euros en France mais également en Hongrie. Mais quel est donc ce médicament qui bénéficie de telles largesses ? Il s’agit d’un médicament contenant des extraits de plante qui fait partie de la classe des veinotoniques dont l’efficacité est largement contestée, raison pour laquelle il n’est plus remboursé en France depuis 2008.
En effet, les recommandations actuelles préconisent avant tout des mesures non médicamenteuses pour traiter l’insuffisance veineuse qui sont l’exercice régulier, la perte de poids, le port de chaussettes de contention, la douche écossaise (alternance d’eau chaude et d’eau froide sur la peau), etc. Pour ce qui concerne les hémorroïdes, selon la revue Prescrire, seule revue médicale sans publicité de l’industrie pharmaceutique, le Daflon est inutile et fait moins bien qu’un traitement local avec un gel lubrifiant et un antalgique comme le paracétamol.
Et, comme tous les médicaments, il faut analyser le rapport bénéfices/risques de la prise d’un produit. Ainsi, la notice du Daflon indique une liste d’effets indésirables significatifs : vertiges, maux de tête, malaise, nausée, vomissement, réactions allergiques, gonflement du visage, etc.
Cet exemple montre que la priorité de l’industrie pharmaceutique n’est pas de répondre aux besoins des patients, puisque, dans le même temps, le nombre de risques de rupture de médicaments, qui était en 2021 de 1 250 médicaments, est de 2 909 en 2024. Servier est particulièrement en cause dans cette situation avec sa filiale Biogaran, qui produit des génériques.
Le laboratoire a même été obligé de payer une amende en 2023 pour n’avoir pas disposé en réserve d’un médicament antihypertenseur très consommé en France. Mais la production de ces médicaments qui n’offrent que de faibles marges n’intéresse par Servier, ni la principale entreprise pharmaceutique française, Sanofi, car ces deux groupes veulent vendre ou ont déjà vendu leurs filiales produisant les médicaments génériques.
Ils se concentrent sur les produits à plus forte marge, même si ceux-ci ont un intérêt thérapeutique limité, voire nul. Ainsi, le Daflon, n’étant plus remboursé, est vendu à un tarif libre, ce qui permet d’augmenter son prix au bon vouloir du fabricant. Cela montre bien qu’il y a urgence à un contrôle public du développement et de la production des médicaments prenant en compte les priorités de santé publique et non la rentabilité d’entreprises qui sont prêtes à vendre n’importe quoi du moment que cela rapporte.
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