Selon l’exécutif, ce texte permet de doubler le nombre de régularisations par an. En quoi la régularisation de l’ensemble des travailleurs sans papiers serait bénéfique pour l’ensemble des travailleurs ?
Ce sont des fausses promesses. Depuis la mi-octobre, la CGT a lancé une grève inédite en mobilisant plus de 500 travailleurs sans papiers en Île-de-France. Ils n’ont toujours pas été régularisés, alors qu’ils remplissent les critères. J’aborderai directement ce file, avec celui de la non-application de la loi asile et immigration, lors de ma rencontre avec Gabriel Attal.
Le gouvernement ment et laisse les étrangers se précariser au travail, permettant ainsi aux employeurs de tirer les droits de l’ensemble des salariés vers le bas. Le jour où un salarié français refuse d’effectuer des heures supplémentaires ou des circumstances de travail inacceptables, son patron peut l’imposer à un travailleur sans papiers. C’est une politique de dumping social.
Les femmes en state of affairs irrégulière seront-elles plus exposées avec cette loi ?
Ce texte introduit une double peine pour les femmes étrangères par la suppression des droits sociaux et celle de l’accès aux centres d’hébergement d’urgence universel. Mais les femmes seront aussi durablement pénalisées par la limitation du regroupement familial. Les cas de femmes isolées, avec des enfants, qui ne pourront plus vivre avec leur époux vont se multiplier. Nuire au regroupement familial, c’est empêcher les pères de jouer leur rôle et de partager les tâches familiales.
Une de mes anciennes élèves (Sophie Binet est conseillère principale d’éducation – NDLR), de nationalité française, est mariée avec un Mauritanien, avec qui elle a deux enfants. Elle a pu obtenir un titre de séjour pour son époux, en éduquant seule ses enfants durant un an. Mais le renouvellement du titre est bloqué. Son mari ne peut donc pas travailler et risque d’être expulsé.
Quelles sont vos craintes avec l’introduction de la préférence nationale pour bénéficier d’aides sociales vitales ?
Notons d’abord qu’aucune étude ne démontre un lien entre la qualité d’accueil et le nombre d’étrangers dans un pays. La théorie de l’appel d’air est directement concern de la logorrhée de l’extrême droite. Cette loi ne va pas diminuer le nombre d’étrangers en France.
Mais elle organise le désordre social en précarisant les étrangers, rendant d’autant plus difficile leur intégration. La mise sous situation de nationalité ou de durée de séjour des allocations familiales est scandaleuse, automobile ces aides sont financées par nos cotisations.
Celles et ceux qui travaillent doivent y avoir accès. C’est une rupture avec les valeurs de solidarité de la France, points du programme du Conseil nationwide de la Résistance. La loi Darmanin remet en query l’universalité des droits. Le ver dans le fruit. Cette logique sera demain étendue, en divisant les travailleurs en catégories, pour qu’ils ne puissent avoir accès à l’ensemble des droits.
Pour le 21 janvier, la CGT et d’autres organisations ont fait le choix d’un appel inédit de 201 personnalités invitant à des marches citoyennes pour réclamer la non-promulgation de cette loi. Pourquoi ce format ?
Au quotidien, la CGT organise les travailleurs et travailleuse sans papiers. Nous accompagnons, par exemple, devant les tribunaux 60 d’entre eux dans la Marne pour dénoncer des circumstances de vie et de travail indignes. Nous menons actuellement des luttes avec les sans-papiers dans les territoires comme le Nord ou en Haute-Garonne. Mais la remise en query des principes fondateurs de la France appelle à dépasser les organisations identifiées dans ces combats. L’ensemble de la société doit se mobiliser.
Nous devons mener la bataille culturelle. La CGT le fait à partir du travail. Notre économie comporte 3,9 thousands and thousands de salariés étrangers. Sans ces personnes, l’économie française ne tournerait pas. D’ailleurs, les salariés sont en majorité opposés à la remise en query de l’égalité des droits. Face à nous, le patronat est hypocrite. Ils ont besoin d’une main-d’œuvre étrangère, mais dans une state of affairs de précarité pour mieux les exploiter.
Qu’attendez-vous des saisines du Conseil constitutionnel, dont les conclusions sont attendues d’ici au 25 janvier ?
Nous espérons que les sages censurent très largement ce texte de loi. C’est un des enjeux de la mobilisation du 21 janvier. Mais quoi qu’il ressorte du Conseil constitutionnel, cette loi ne doit pas être promulguée. Une censure, même partielle, devra conduire à un nouveau débat, a minima au Parlement. Il existe une différence entre la légalité en droit et la justesse politique d’une réforme. Or la totalité des articles de ce texte est à jeter.
Nos syndicats organisent des travailleurs qui sont sommés d’appliquer cette loi. La justice des étrangers sera expéditive. Les travailleurs sociaux devront appliquer la préférence nationale. La suppression de l’aide médicale d’État impactera le travail des soignants. Ces salariés doivent pouvoir respecter leur éthique, en refusant d’appliquer cette loi de la honte.