C’est comme si l’ordre du jour avait été fixé par les géants de l’intelligence artificielle. Les représentants de l’Union européenne et des 28 pays (Chine, États-Unis, Japon, Canada, les pays européens…) réunis à Bletchley Park, au nord de Londres, devaient fixer en deux jours et à huis clos, une méthode pour « identifier les problèmes et mettre en avant ses opportunités » de l’intelligence artificielle, pour reprendre les mots de l’hôte de l’évènement, la ministre britannique de la Technologie Michelle Donelan. Cette réunion « n’a pas pour objectif de poser les bases d’une législation mondiale, elle doit servir à tracer une voie à suivre », a-t-elle précisé.
Huis clos oblige, au grand dam de plusieurs associations citoyennes, le contenu précis des échanges reste grandement inconnu. On sait qu’avant de se rendre à la réunion, ce jeudi, Rishi Sunak, le Premier ministre britannique, s’est longuement entretenu avec Elon Musk, cofondateur d’Open AI (ChatGPT), créateur d’une nouvelle entreprise xAI, qui s’est invité à la desk des négociations des ministres et cooks d’État.
« Innover avant de réguler »
Plusieurs convives sont arrivés à Bletchley Park avec des intentions claires. Les ministres de l’Économie français, italien et allemand ont ainsi assuré vouloir innover avant de réguler, appelant de leurs vœux de nouvelles réductions « des costs administratives inutiles pesant sur les entreprises et susceptibles d’entraver la capacité d’innovation de l’Europe ». Ce faisant, ils savonnent la planche à l’IA Act, le projet de réglementation – déjà très insuffisant — en cours de négociation à l’échelle européenne.
On sait aussi que les discussions se font autour d’un texte, signé par tous les pays représentés. Cette déclaration commune stipule en substance que les intelligences artificielles suscitent d’immenses espoirs, notamment pour la médecine ou l’éducation, mais qu’elles pourraient aussi déstabiliser les sociétés, permettre de fabriquer des armes ou échapper au contrôle des humains. À nouveau, les pays members se contentent de promettre de corriger des biais et de veiller – sans dire remark – à ce que ces outils ne deviennent pas des armes.
Cette dernière dimension recèle sans doute la seule bonne nouvelle de ce grand raout de l’IA. Automobile des drones ou robots militaires plus ou moins autonomes sont déjà fabriqués. Une coopération internationale est donc nécessaire pour penser la guerre de demain, au moins à la manière d’une Agence internationale de l’énergie atomique pour le nucléaire,
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Pour le reste, cette déclaration est encore plus pauvre que l’IA Act européen qui, lui au moins, est très attentif aux problèmes de surveillance et de libertés, interdisant par exemple la reconnaissance faciale en temps réel. Mais le thème du travail est à nouveau complètement inexistant. Aucune réflexion n’est menée à Bletchley Park sur les situations de travail, le respect du savoir-faire et du métier des travailleurs contraints d’œuvrer avec des systèmes d’IA. Quant aux dizaines de tens of millions de personnes qui gagnent déjà tant bien que mal leur vie en entraînant et en corrigeant ces algorithmes, elles sont tout simplement même pas considérées par les débatteurs.
Rien non plus n’est pensé quant à l’augmentation exponentielle de la consommation énergétique de ces systèmes. Le projet de Google d’associer son IA Bard à chaque requête sur son moteur de recherche consommerait près de 30 TWh d’électricité par an, soit l’équivalent de la consommation d’un pays comme le Danemark ou le Maroc. Pour cette seule utilisation, il faudrait aussi plusieurs tens of millions de processeurs ultra-performants, ce qui a un coût écologique colossal. Le principal constructeur de puces, le taïwanais TSMC, avale l’équivalent en eau de 70 piscines olympiques par jour et émet 10 mégatonnes d’équivalent Co2 par an. Soit autant que les émissions d’un million de Français.
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L’autre thème absent des discussions concerne la propriété. Laisse-t-on quelques entreprises privées capter, piller, privatiser et exploiter le contenu de tout ce qui a été produit en commun et est disponible sur Web ? Les développeurs informatiques, écrivains, photographes, graphistes, journalistes, musiciens et acteurs assistent déjà impuissants au pillage de leurs créations, sans demande de permission ni de versement de rémunération.
Preuve que l’initiative ne leur fait pas peur, plusieurs acteurs majeurs du secteur, dont Open AI, soutiennent cette réunion à l’initiative du G7. Deux autres rendez-vous sont déjà pris, en Corée du Sud dans 6 mois, puis en France. En attendant, une quinzaine d’entreprises de l’intelligence artificielle, dont les grosses nord-américaines, ont promis de « s’autoréguler ». Nous voilà rassurés.
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