Les législatives ont pourtant été claires. Les Français ont dit non dans les urnes à Emmanuel Macron. La majorité d’entre eux a rejeté clairement le camp présidentiel et la droite LR, tout en refusant que le RN accède au pouvoir. Résultat ? Après trois mois de valse-hésitation, les électeurs se retrouvent avec un gouvernement Barnier où les perdants des élections – Macronie et droite – se partagent les postes sous la dictée de l’extrême droite. Le tout, en s’apprêtant à resservir les mêmes recettes ordolibérales, en pire. Ce déni démocratique sans précédent ne résoudra pas les attentes des Français. Et de dérouler un tapis rouge au RN, qui, grâce à la compromission lamentable du chef de l’État, a désormais droit de vie ou de mort sur cet exécutif illégitime.
De fait, le poids de l’extrême droite, qui a placé l’exécutif « sous surveillance », a pesé lourd dans les nominations. Pour obtenir le blanc-seing de Marine Le Pen, Matignon et l’Élysée ont élaboré un casting effarant de néoconservateurs, classant ce gouvernement parmi les plus à droite de ces dernières décennies. La frange catho-réactionnaire, proche de François Fillon, place nombre de ses affidés : Laurence Garnier (Consommation), connue pour ses positions anti-IVG et anti-LGBT ; Annie Genevard (Agriculture), opposante à la PMA pour toutes ; Othman Nasrou (Citoyenneté), fervent défenseur du lycée privé catholique Stanislas, épinglé pour homophobie ; Bruno Retailleau (Intérieur), ami intime de Philippe de Villiers, anti-IVG et violemment anti-immigration… Bref, après la parenthèse « inclusive » des JO, on se réveille en plein cauchemar, avec la Manif pour tous aux manettes.
Pour obtenir le blanc-seing de Marine Le Pen, Matignon et l’Élysée ont élaboré un casting effarant de néoconservateurs.
L’autre jambe de ce gouvernement, objet de longues tractations, est composée de proches d’Emmanuel Macron, supporters invétérés de ses lubies pro-business. Aux Affaires étrangères atterrit Jean-Noël Barrot, spécialiste du financement des entreprises et de l’innovation. À la Fonction publique ? Guillaume Kasbarian, un libéral pur sucre formé à l’Essec. À Bercy ? Antoine Armand, un novice de 33 ans qui verra le budget placé sous la tutelle de Matignon… De jeunes pousses censées faire croire que le chef de l’État a encore la main. Mais qui sont surtout en adéquation avec le corpus économique de Michel Barnier. Et ne feront guère de vagues face à la vieille garde LR et au chantage à la censure des députés RN.
Ce faisant, le macronisme enterre ici ses dernières velléités de progressisme. Son « en même temps » se jouera désormais entre les diatribes du « retour à l’ordre », lancées par Bruno Retailleau depuis Beauvau, et la mise en place d’un choc austéritaire, dont l’interview du premier ministre à TF1, dimanche 22 septembre, où il ne cite pas une fois le sujet du pouvoir d’achat (!), donne le ton. De son côté, la supercherie antisociale du RN éclate au grand jour. Placée dans une confortable position d’arbitre par Emmanuel Macron, l’extrême droite « antisystème », en quête de crédibilité, va désormais monnayer en coulisses son soutien au gouvernement, et se convertir sans peine à l’orthodoxie budgétaire réclamée par Bruxelles.
L’histoire dira si ce sombre attelage va tenir longtemps à l’épreuve du pouvoir. En attendant, on peut déjà mesurer le cuisant échec d’Emmanuel Macron. Lui qui prétendait faire reculer l’extrême droite et renouveler les pratiques politiques présente le pire des bilans sur ces deux sujets. Il plonge la France dans une nuit politique et dévitalise le jeu démocratique. En restant mobilisée et en se battant pied à pied, la gauche peut retisser ce lien. Elle en a, en tout cas, la responsabilité.
Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !
C’est pied à pied, argument contre argument qu’il faut combattre l’extrême droite. C’est ce que nous tentons de faire chaque jour dans l’Humanité.
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