À Pantin, acheter ses légumes au marché s’accompagne souvent d’une saveur politique. Les abris en tôle, à gauche d’étals de fruits, abritent des militants socialistes qui hèlent les badauds, tracts rouges et roses à la main. Place Olympe de Gouges, ce dimanche 8 décembre, une dizaine d’entre eux participent au lancement d’une nouvelle campagne d’adhésion, baptisée « Faire front ensemble » – reste à savoir qui se cache derrière le mot « ensemble ».
Le parti à la rose tente de planter de nouvelles boutures : à l’échelle nationale, 10 000 nouveaux adhérents les ont rejoints après les élections législatives de 2022 et 2024, selon eux. Dans la commune de Seine-Saint-Denis, Leila Slimane, secrétaire de section, en dénombre deux nouveaux par semaine : « des militants qui débutent ou bien d’anciens, qui reviennent plusieurs années après, remarque-t-elle. Cela est sûrement dû aux élections municipales qui arrivent à grands pas ». Isabelle, ancienne associative au sein d’une structure calaisienne qui vient en aide aux exilés, distribue ses premiers tracts pour le Parti socialiste (PS).
« On ne peut pas trahir le programme du NFP »
Le visage d’Olivier Faure, premier secrétaire du parti, y figure en majesté. Pourtant, évoquer son nom et ses récentes positions ne les ravit pas tous : l’idée de discuter avec la Macronie et la droite sur la base « de concessions réciproques » fait bondir certains. « On ne peut pas trahir le programme du NFP pour lequel nous (socialistes, communistes, écologistes et insoumis) sommes tous d’accord », se désole Ahmid, militant depuis cinq ans.
Catégorique, Leila Slimane s’indigne : « On n’a rien à voir avec Bruno Retailleau, Christian Estrosi et Éric Ciotti (ancien membre des Républicains et devenu président du parti l’Union des droites, béquille du Rassemblement national -NDLR). Si ce pas est franchi, je rendrai ma carte, tempête-t-elle. Si on bafoue les valeurs du socialisme, je m’en vais ». Avec elle, d’autres adhérents pourraient claquer la porte d’un parti qui pour gouverner serait prêt à en oublier le NFP.
À quelques pas de là, d’autres tracts rouges sont distribués, cette fois par des militants insoumis. Ce qu’ils qualifient de « trahison à venir » d’Olivier Faure agace : « en cas d’alliance avec la droite, les socialistes le paieront très cher, notamment en termes d’élections, de voix et de confiance des Français », fustige Thomas Bardoux, co-animateur des jeunes insoumis de Pantin et d’Aubervilliers.
Mais pas de quoi briser les liens socialo-insoumis pantinois. Au marché, les uns saluent les autres, demandent des nouvelles et parfois, sont conviés à des réunions politiques locales. Et lorsque des passants expriment leur désaccord quant à la coalition avec la FI, Leila Slimane leur répond invariablement : « qu’ensemble, nous sommes plus forts et qu’il nous faut une solide union de toute la gauche si nous voulons gouverner ». Chacun d’un côté des travées de marchandises, socialistes et insoumis ne risquent pas de briser leur alliance locale, semble-t-il plus résistante que celle du NFP au national.
« Toutes ces bisbilles politiciennes »
Du côté des chalands, Berthe a enfoncé les deux prospectus aux couleurs du NFP au fond de sa poche, avec sa liste de courses. Elle les lira « peut-être » une fois rentrée chez elle. Mais elle hésite, sûrement qu’elle regardera les journaux télévisés : « ils disent qu’ils sont plus du tout copains sur les chaînes d’informations, pourtant, ils sont toujours ensemble dans la même coalition, non ? », interroge-t-elle au sujet de socialistes et des insoumis. La femme de 74 ans regrette de ne plus « rien y comprendre avec toutes ces bisbilles politiciennes » et reconnaît voter blanc depuis des années. Les militants locaux endossent alors un nouveau rôle, celui d’expliquer et de, parfois, justifier les prises de position des élus nationaux.
Ahmid accueille par ailleurs régulièrement les craintes des pantinoises et pantinois quant au budget de cette année. Le maire socialiste, Bertrand Kern, les a alertés de la « véritable purge » économique que Michel Barnier voulait imposer : cinq millions d’euros devaient être ponctionnés, et pourraient l’être demain si les orientations budgétaires du premier ministre lui survivent.
Reste que face à la difficile équation qui se pose pour la gauche, les militants locaux offrent deux réponses bien distinctes : celle des socialistes, « construire un nouveau budget avec un premier ministre de gauche » et celle des insoumis, « participer à la pression populaire, signez la pétition ! » pour la destitution d’Emmanuel Macron.
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