Son modèle économique ne pouvait qu’amener vers une précarité sociale, une négation des enjeux écologiques et une course au profit inarrêtable. L’enseigne née à Dublin (Irlande) Primark, 28 magasins ouverts en France en l’espace de douze ans, un chiffre d’affaires qui y dépasse le milliard d’euros en 2024, se repose sur un acheminement à flux continu de vêtements à bas coûts, fabriqués en Chine et au Bangladesh. Soit l’incarnation de la « fast-fashion » dans son habit le plus débridé.
Arrivée en 2013, la firme a été reçue avec les honneurs par les pouvoirs publics, qui voyaient en Primark un créateur d’emplois à grande échelle. La chaîne de magasins a aussi appuyé, durant des années, le fait qu’elle cultive l’absence de publicité et refuse de vendre ses produits en ligne.
« De jeunes mères célibataires, des étudiants ou des personnes étrangères »
Mais ce modèle s’est surtout construit sur un abattage de travailleurs précaires, comme le révèle le média indépendant Basta !. « En France, Primark emploie plutôt des personnes précarisées. De jeunes mères célibataires, des étudiants ou des personnes étrangères », rappelle le média, qui a publié une nouvelle enquête sur les conditions de travail au sein de Primark, jeudi 24 avril.
Tout part des boutiques siglées Primark de Lyon et de Mulhouse, où des mobilisations ont été organisées les 22 et 28 mars derniers. Les salariés rhodaniens comme alsaciens ne supportent plus la politique autoritaire entreprise par la direction. De la répression syndicale à la précarisation des conditions de travail, en passant par l’instauration d’un harcèlement de grande échelle, le paradis promis par Primark s’est vite révélé être « l’enfer », résume une ancienne salariée interrogée par Basta !.
Par exemple, lorsque les heures de pointe au niveau de la clientèle débutent. « Les allées du magasin sont jonchées de chaussettes à ramasser, de chemises à cintrer, de pyjamas à replier… Parce que les employés restent plus longtemps que les trois heures réglementaires au même poste, leurs genoux gonflent, leurs dos s’éreintent », énumère Ludovic Simbille, l’auteur de l’enquête.
Chaque salarié est affecté, en début de planning, à une zone spécifique du magasin (caisse, cabine d’essayage, rayon…). Le moindre pas en dehors de sa « juridiction » entraîne alors une réprimande immédiate de la hiérarchie. Ancien employé du Primark Mulhouse, Naïm se souvient avoir dû écouter des consignes incessantes fuser dans son casque, toute la journée. Lui qui a commencé au stock avant de passer au « floor » (la boutique) se rappelle qu’une erreur pouvait amener à enchaînement de menaces : « T’es où ? Si tu réponds pas, on t’appelle au micro, parfois dix fois par jour. ».
Marina a touché 23 euros pour 56 heures travaillées
Il en va de même pour les toilettes. « La fréquence et le temps passé sont chronométrés par une « police des toilettes » alors que « c’est un besoin primaire » », rapporte Basta !, qui raconte qu’une ancienne salariée, Sana, avait vu son responsable toquer à la porte des sanitaires. Il lui lançait des « T’as fini ! T’as fini ! » à répétition pour la presser.
Avec sa quête du profit et son mépris pour ses salariés en tête, la direction de la firme n’hésite aussi pas à perpétuer une rémunération instable ; et ce, au mépris de la légalité. « Au mois de février 2025, Marina a touché… 23 euros pour 56 heures travaillées, révèle Ludovic Simbille. Une de ses collègues a reçu un bulletin de 0,01 centime. » Alors en mi-temps thérapeutique après un arrêt de travail, Marina concernée devrait être payée en partie par son employeur, tandis que le reste est assuré par la Sécurité sociale.
« On ne savait pas si tu allais venir bosser »
Or, Primark n’a pas envoyé les attestations de salaire à la seconde, bloquant les indemnités de la vendeuse. Malgré ses relances, la direction est restée lettre morte. Pareil pour Naïm, qui « n’a jamais eu une paye en entier ». Ce dernier a touché, selon les informations de Basta !, 700 euros pour 35 heures par semaine… au lieu des 1 500 euros promis. Comme Marina, le salarié a averti les ressources humaines de l’erreur. Leur réponse : « On ne savait pas si tu allais venir bosser. »
De même pour Sekou, Camerounais de 40 ans vivant en France depuis six ans, qui a vu son contrat de travail suspendu pendant plusieurs mois. Primark a justifié sa décision par le fait que son titre de séjour tardait à être renouvelé. « La préfecture lui avait pourtant signifié par courrier le maintien de son autorisation à travailler en attente de son récépissé », rétorque Basta !.
Une situation catastrophique, sur laquelle les représentants syndicaux n’ont que peu de prises. Dès que des travailleurs entreprennent une action, la répression s’abat sur ces derniers. Neuf grévistes en tout ont été convoqués par la direction de Mulhouse, suite à la mobilisation de mars dernier. En réponse, la délégation locale de la CGT a de nouveau manifesté, le 16 avril, devant la boutique alsacienne. Son objectif était d’alerter sur cette « censure et répression ».
Pas de quoi bousculer la direction de Primark France. « Au sein du conseil social et économique (CSE) central, tous les délégués syndicaux CGT ont fait l’objet d’une procédure disciplinaire de licenciement », relève l’actuel représentant cégétiste national, interrogé par le média indépendant. Ne reste plus que la fuite pour les salariés. « À Mulhouse, l’absentéisme concernerait près de 40 % des 159 salariés, résume Basta !. Le samedi, un tiers des 40 étudiants prévus ne viennent pas. »
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