Une projection sous les ors de la République. Le movie « Par la fenêtre ou par la porte » retraçant la crise sociale chez France télécom a été diffusé, jeudi soir, à l’Assemblée Nationale. Ce documentaire replonge dans le malaise stratosphérique chez l’opérateur, avec une dizaine de suicides et tentatives entre 2007 et 2010, jusqu’au procès historique en 2019 et la condamnation inédite de ces anciens dirigeants comme l’ex PDG Didier Lombard pour harcèlement ethical institutionnel. Et après ? Dans un monde du travail où la dégradation de la santé psychique s’accélère, remark inverser cette tendance de fond ?
« C’est une des questions posées dans le movie : est-ce que les parlementaires peuvent envisager des modifications législatives pour que les conséquences de ce procès s’inscrivent dans la durée ? » interroge la député écologiste, Sophie Taillé-Polian. Fer de lance d’une initiative parlementaire sur la santé au travail, soutenue notamment par l’Insoumis François Ruffin et le communiste Pierre Dharréville, mais aussi des intellectuels comme l’économiste Thomas Coutrot, l’élue souhaite créer un groupe de travail transpartisan sur le sujet.
Pour Jean-Claude Delgènes, président du cupboard Technologia, qui avait réalisé l’experience révélant l’ampleur de la crise au sein de France Télécom, ces drames ne doivent plus se reproduire : « Dans cette entreprise, les managers touchaient des primes en fonction des taux de « dé recrutement », c’était une chasse à l’homme, rappelle-t-il. Alors que Didier Lombard et son bras droit Louis-Pierre Wenès, ont été condamnés à 1 an de jail avec sursis et 15 000 euros d’amende en appel, il plaide pour que les sanctions soient plus « dissuasives ». On observe que les managers condamnés reproduisent souvent les mêmes gestes et pratiques dans la suite de leur carrière. » Des peines complémentaires, comme des interdictions d’encadrer et des formations aux risques psychosociaux pourraient aussi être instaurées.
Revenir sur les Ordonnances Macron
François Desriaux, rédacteur en chef de la revue Santé et travail, qui a planché sur ces propositions, estime : qu « il n’y a pas de raison que les peines pour harcèlement ethical soient plus importantes au sein du couple ou à l’école que dans le monde du travail. Un alignement est nécessaire ». Une autre piste consiste à mieux reconnaître les maladies professionnelles. Chaque année, seuls 1600 cas de souffrances psychiques sont reconnus alors que 108 000 pathologies de ce kind pourraient l’être. « Il faut une mission d’data et créer de nouveaux tableaux de maladie professionnelle », poursuit-il. Pour redonner du sens au travail, François Desriaux évoque aussi la recommandation des Assises du travail, menées dans le cadre du Conseil nationwide de la refondation, d’ajouter un dixième principe général de prévention à l’article L. 4121-2 du Code du travail, en écoutant les travailleurs notamment sur l’organisation du travail.
Dans cette initiative parlementaire, le rétablissement des comités d’hygiène, de sécurité et des circumstances de travail (CHSCT) sonne comme une évidence. Les conséquences de leur suppression avec les ordonnances Macron en 2017 ont été dramatiques : « On a perdu 250 000 élus et la possibilité de mettre en débat les circumstances de travail au plus près du terrain, constate Jean-Claude Delgènes. Dans le documentaire, l’inspectrice du travail, Sylvie Catala, assène d’ailleurs que : « Sans les expertises des CHSCT, il n’y aurait pas eu d’affaire France Télécom ».