Viticulteur, à la tête de la chambre d’agriculture de l’Hérault, Jérôme Despey vient de présider son premier Salon de l’agriculture. Dont il dresse le bilan, satisfait, après une édition 2024 qui avait notamment été marquée par une visite d’Emmanuel Macron sous les huées..
Quel premier bilan tirez-vous de ce Salon 2025 ?
D’abord la satisfaction d’avoir eu un peu plus de visiteurs que l’an dernier, 607 503 personnes sont venues. Et ce qui caractérise ce Salon, c’est la fierté de le retrouver sous le signe de la sérénité. C’était important pour ces femmes et ces hommes qui font l’agriculture autour des filières, de pouvoir rencontrer les visiteurs, d’avoir des débats, des échanges, des confrontations. Montrer la fierté de l’agriculture française, ça n’enlève pas les difficultés, ni ce que vivent certaines productions, ni les attentes des agricultrices et des agriculteurs.
Mais il y avait ce besoin de retrouver un peu de sérénité, c’est ce qui s’est réellement passé. Et ça fait plaisir.
Sérénité retrouvée, aussi, lors des visites des personnalités politiques, plus encadrées cette année. C’était votre volonté ?
Oui, j’ai souhaité faire une charte, qui s’adressait à tous les politiques et élus. J’avais été très très clair, les politiques seront bienvenues au Salon de l’agriculture, mais c’est un Salon privé, et un lieu de dialogue, d’échanges, et de débat. D’ailleurs, j’avais dit aux politiques, c’est bien de venir, c’est bien aussi de venir avec des réponses, avec une écoute qui même au-delà du salon puisse continuer.
Charte respectée
Nous sommes passés de 83 visites protocolaires à 88. Dans la charte, nous avions autorisé une seule visite protocolaire (par personnalité, NDLR), pas plus de 25 personnes par délégation, pas de tractage, des déambulations préparées avec les organisateurs.
Le tout a été respecté ?
Globalement, la charte a été respectée. Le but, c’est de permettre plus de fluidité, parce que je ne voulais pas, et je l’avais dit dès le départ, fermer des passages, des halls, pour que les politiques puissent déambuler tranquillement.
Le salon, c’est avant tout l’accueil des visiteurs, c’est le lien avec les exposants, c’est le lien avec les agriculteurs. Et moi, je voulais que ça puisse se passer en sécurité pour tout le monde. Et ça s’est ressenti : il y a eu moins d’attroupements, moins de blocages, moins de perturbations dans le salon.
Cependant, des motifs d’inquiétude, liés à l’actualité, dans le monde agricole, ont quand même pu s’exprimer ?
J’avais eu l’occasion de le dire à la ministre de l’Agriculture : on ne peut pas oublier les difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs. Après 15 mois de mobilisation, il y avait des attentes, et c’est pour ça qu’il avait été demandé qu’un certain nombre d’annonces puissent se faire aussi en amont du salon. Je pense en particulièrement à la loi d’orientation agricole qui était attendue pour la transmission et l’installation, et pour reconnaître l’agriculture d’intérêt général majeur.
Elle a été bien accueillie ?
Oui. Cette loi était en construction depuis plus de trois ans. Et pouvoir la délivrer à quelques heures du Salon permettait de répondre à cette attente forte, et d’avoir des éléments concrets, sur les sujets du droit à l’erreur, de simplification, de ne pas interdire sans solution sur les moyens de production.
Le Maroc invité d’honneur
Le contexte international a aussi souvent été évoqué. J’ai fait toute la visite du Président de la République, celle du Premier ministre. Il y a eu beaucoup d’interpellations sur le Mercosur, qui inquiète nos éleveurs, ou sur l’Union Européenne, sur l’importation de produits qui ne sont pas élaborés dans les mêmes conditions que celles exigées ici. Le Président de la République a amené des éléments de fermeté.
Puis sur le plan international, on a parlé des taxations, des droits de douane supplémentaires, et de l’inquiétude des viticulteurs. On a aussi beaucoup parlé de transmission, de renouvellement de génération.
Le Maroc était invité d’honneur de ce salon, ça n’avait pas fait l’unanimité…
Pour la première fois, un pays était à l’honneur, le Maroc, ce qui a bien sûr posé un certain nombre de questions. Lorsqu’il y a un pays invité, quel qu’il soit, le but c’est de favoriser des échanges. Alors il y a des échanges qui sont favorables, je pense à nos éleveurs, aux grandes cultures, et des échanges qui sont plus défavorables. C’était le cas des producteurs de tomates que j’ai rencontrés.
“Je suis lessivé”
J’ai voulu que les producteurs français puissent rencontrer les producteurs marocains pour pouvoir échanger. Ça n’était pas arrivé depuis longtemps. Ils ont convenu de travailler une charte de saisonnalité et de régulation dans le but d’éviter des télescopages quand la production de tomates françaises arrive en production.
Voilà, soit on se referme sur soi, ou on essaie de trouver des échanges qui permettent de trouver des réciprocités, des complémentarités. Il y a aussi du business au Salon. Et quand on peut trouver des solutions, c’est mieux que de rester uniquement sur la confrontation.
Il s’agissait de votre premier Salon en tant que président. Vous avez aimé l’expérience ?
Je suis lessivé, parce que c’est intense. J’ai passé douze jours au Salon, et je suis très fier et heureux que cette édition ait retrouvé cette sérénité attendue par tout le monde. Il est important que le salon puisse être ce rendez-vous qui accueille la France rurale. Il y a aussi beaucoup d’éléments de convivialité, notamment avec l’animation de nos régions, les saveurs et terroirs de France. C’est ça aussi le salon, sans oublier nos produits d’excellence avec le concours général agricole.