Le gouvernement a sorti tambours et trompettes pour claironner la nouvelle. Les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) et de la prime d’activité seront désormais pris par la main dans leurs démarches déclaratives. Pour cela, un nouveau dispositif, promesse de Macron pendant la précédente campagne présidentielle, a été sorti du chapeau, à savoir : le préremplissage automatique des formulaires de déclaration de ressources.
Concrètement, les six millions de personnes percevant la prime d’activité (4,45 millions) et/ou du RSA (1,89 million de personnes, certaines cumulant les deux prestations) n’auraient désormais qu’à appuyer sur un bouton pour valider ce document numérique accessible sur le site de la CAF (Caisse d’allocations familiales) et contenant le détail des revenus trimestriels transmis directement par les employeurs, là où les allocataires devaient par eux-mêmes inscrire manuellement leurs ressources.
Expérimenté en octobre dernier dans cinq départements (les Alpes-Maritimes, l’Aube, l’Hérault, les Pyrénées Atlantiques et la Vendée), le nouveau dispositif dit de « solidarité à la source », calqué sur le modèle de la déclaration pré remplie des impôts, sera généralisé à partir de mars prochain à l’ensemble du territoire, a affirmé la ministre du Travail le 13 février dans une interview donnée à Ouest France, car il aurait, selon elle, « fait ses preuves ».
« C’est la logique de la carotte et du bâton »
Selon quels critères ? Le flou demeure même si l’objectif mis en avant par Catherine Vautrin est la simplification des démarches et la lutte contre le non-recours. Et pour cause : selon les chiffres de la Drees, près de 30 % des personnes éligibles au RSA ne le réclameraient pas.
Si le Collectif Alerte, à l’unisson d’autres organisations engagées dans la lutte contre la pauvreté, voit une « avancée » dans cette mesure de nature à simplifier la vie à des personnes déjà dans le circuit, son président, Noam Leandri, n’en souligne pas moins les limites du dispositif, affirmant, dans une interview sur LCI, que cette automatisation « ne va pas réduire le non-recours au RSA alors qu’un tiers des potentiels allocataires ne le demande pas. »
Même diagnostic pour la CGT. « Je ne vois pas en quoi ce dispositif créera les conditions pour que les personnes qui pourraient y prétendre (à ces aides NDLR) fassent la démarche de les réclamer », pointe Guillaume Bourdic, de la CGT France Travail, qui dénonce une « opération de communication » autour d’un dispositif dont le caractère uniquement dématérialisé serait, selon lui, déjà un frein en soi.
« Cela fait des années que nous demandons des actions pour améliorer le recours aux droits. Le problème de cette mesure est que le tout-numérique produit exactement l’inverse », abonde Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT, qui souligne par ailleurs la face cachée de ces simplifications numériques, à savoir, « l’usage d d’algorithmes qui, sous prétexte de chasse à la fraude, ciblent les gens en leur supprimant leurs allocations derrière. »
« Mensonge par omission »
Les deux syndicalistes pointent par ailleurs la volonté, par l’affichage de cette mesure, de mettre sous le tapis les défaillances dans l’accompagnement humain auprès des publics les plus marginalisés, sur fond de coupes budgétaires pour les collectivités territoriales imposées dans le nouveau Projet de loi de finances.
« Toutes les études sur le sujet montrent que le recours unique à des simplifications numériques s’accompagne de la suppression de postes d’accueil physique qui ont démontré leur efficacité pour permettre aux gens de s’en sortir dans le labyrinthe des démarches », détaille Denis Gravouil.
Cette mesure masquerait, également, selon eux, les ravages prévisibles de la réforme du RSA, inscrite dans la loi plein-emploi, entrée en vigueur il y a un peu plus d’un mois. Pour le secrétaire confédéral, il y a de la part de Catherine Vautrin, un « mensonge par omission » : « Ce que ne dit pas la ministre, c’est que, parallèlement à cette démarche de simplification, s’imposeront des sanctions potentielles liées à la loi plein emploi. »
Selon Guillaume Bourdic, « cette mesure est en réalité symptomatique du « en même temps macronien ». C’est la logique de la carotte et du bâton ». La « carotte », ce serait ce document prérempli à l’usage d’un public déjà averti, et « le bâton » : « cette loi qui va imposer l’obligation d’inscription sur les fichiers de France Travail, la conditionnalité des quinze heures d’activité et des sanctions en cas de non-respect du contrat d’engagement. »
Il en veut pour preuve ce chiffre : dans les 47 départements où la réforme du RSA a été expérimentée ces deux dernières années, le non-recours à l’allocation a augmenté de plus de 10 %, selon les chiffres recueillis en décembre 2024 par plusieurs associations de lutte contre la pauvreté.
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