Descendu de sa machine, mains dans les poches, sourire aux lèvres, Romain jette un œil sur l’enfilade de tracteurs qui s’étire le lengthy de l’autoroute A68. Sur une centaine de mètres, à partir du rond-point reliant Albi (Tarn) au Séquestre, les mastodontes colorés envahissent la route. Romain, lui, a fière attract. Pour ce rassemblement, l’agriculteur bio de vaches laitières a troqué sa salopette bleue et ses bottes pour des habits de ville.
Et, une fois n’est pas coutume, laissé un temps son exploitation pour participer au blocage. Unimaginable de ne pas en être. Comme des centaines de milliers de ses collègues, Romain subit de plein fouet la crise agricole qui, peu à peu, l’enfonce dans la précarité financière. « Notre revenu baisse continuellement alors qu’on multiplie les alternate options, déplore le quadragénaire, campé sur ses deux jambes. Le prix des produits n’est pas en corrélation avec la hausse des fees. »
« C’est un métier ardour ! »
Ici, le mouvement a d’abord été lancé par les producteurs autonomes, avant d’être encadré par la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (branche locale de la FNSEA d’Arnaud Rousseau) du Tarn et les Jeunes agriculteurs du département. Qu’importe, cette mobilisation était de toute manière une évidence pour Romain. Chez lui, comme chez beaucoup d’autres, l’agriculture est une histoire de famille. Cela fait plus d’un siècle que sa lignée est installée à Puygouzon, un petit bourg albigeois de 3 500 âmes.
Lui représente la quatrième génération à reprendre l’exploitation de 130 hectares (30 achetés et 100 loués). « Mes aïeuls sont arrivés en 1922. On a fêté les cent ans il y a deux ans », précise-t-il. Élevé par des agriculteurs, Romain a crapahuté dans les labours depuis tout petit. Il a appris aux côtés de son père l’artwork de travailler la terre, d’allaiter les vaches et de conduire un tracteur. « Je me souviens d’avoir été au volant d’un de ces engins à 7 ans, glisse-t-il en souriant. Cela me faisait briller les yeux et c’est aussi ce qui m’a donné envie de devenir agriculteur. C’est un métier ardour ! »
Il obtient un brevet de technicien supérieur (BTS) en comptabilité gestion d’une entreprise agricole, sésame indispensable pour gérer une construction de ce kind. Puis, en 2006, il hérite du groupement familial. C’est sous sa houlette, en 2015, que l’exploitation va se mettre à l’agriculture biologique. « Nous n’utilisions déjà pas beaucoup d’intrants chimiques, un peu de fongicides et d’herbicides, mais nous avions des pratiques respectueuses de l’environnement. C’est en réfléchissant à une meilleure valorisation de nos produits que nous avons passé le cap », se félicite-t-il.
Une accumulation insoutenable
La démarche s’accompagne d’un quotidien éreintant. Dès l’aube, le producteur enfile des habits chauds, retrouve ses vaches puis start à les traire pendant une bonne heure. Il les nourrit ensuite, nettoie les litières puis s’interact dans une litanie de gestes machinaux pour vérifier l’état de son matériel. Une fois la partie de plaisir terminée, il lui reste à s’atteler à la « paperasse » administrative. « Je dois par exemple remplir les dossiers pour l’obtention de la PAC. Et, en qualité de producteur bio, je dois remplir tout un tas de paperwork pour certifier la provenance de mes produits », résume-t-il. Puis, quand l’aurore pointe, Romain file de nouveau traire ses vaches.
Ces habitudes lui imposent des amplitudes horaires de douze heures en fonction des jours. Parfois, son père, retraité, lui donne des coups de most important sur l’exploitation. Malgré tous ses efforts, il génère à peine un Smic à la fin du mois. La faute au prix du litre de lait, revendu seulement 0,45 euro. « Je bosse avec une coopérative. Mais je ne sais pas combien on va me donner. C’est elle qui est chargée de fixer le prix et de m’en faire une facture. Aujourd’hui, c’est ce qui est tordu », s’agace l’agriculteur.
À cette absence de contrôle des prix s’ajoute une mise en concurrence avec des produits à bas coût. Le 24 janvier, le vice-président de la Fee européenne a annoncé pour fin juin la finalisation de la négociation sur les accords avec le Mercosur même si Emmanuel Macron a promis de s’y opposer. Une perspective néfaste pour les agriculteurs français, qui permettra la vente de produits agricoles importés en Europe comme les céréales, le bœuf ou la volaille, sans quasiment aucun droit de douane. « Tout ça va rentrer sur le territoire sans taxe avec des salariés étrangers qui sont payés 3 euros par jour. C’est ce style d’accord qui nous tue », peste l’éleveur laitier.
La diminution des aides fiscales au gazole pour engins agricoles (GNR) ont aussi figuré parmi les moteurs de cette crise, avant que le gouvernement rebrousse chemin et obtienne la bénédiction des plus gros syndicats. « On veut nous enlever l’aide fiscale sur la détaxation qui était prévue ; ça risque de peser lourd sur les trésoreries. On cherche à faire des économies sur les moyens de locomotion des agriculteurs, mais on ne taxe pas le kérosène des avions ! » se désespérait alors Romain. L’agriculteur, également président des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) du Tarn, a déjà réfléchi à des mesures à prendre : « Soit on met des normes qui contraignent l’importation alimentaire comme les normes air pollution pour les voitures, soit on pousse pour plus de protectionnisme alimentaire. »
Aujourd’hui, ce père de trois enfants ne pourrait subvenir aux besoins de sa famille sans l’activité professionnelle de sa femme. Le prêt contracté pour les besoins de son exploitation agricole est bientôt remboursé. Mais uniquement grâce à la vente directe de viande, à 15 euros le kilo, à des purchasers personnels – « c’est un moyen de compenser la hausse des prix » – et de gros sacrifices personnels. « Je ne voyage pas beaucoup. Je l’accepte, mais c’est sûr que si j’avais des envies d’ailleurs ce serait compliqué financièrement », souffle Romain.