Son nom est systématiquement accolé à celui du président de la République. Il serait son principal « grognard » (Ouest-France), son « stratège » (Paris Match) voire son « baron noir » (les Échos). En tout cas, la « pièce maîtresse » (le Monde) de son dispositif politique.
Huit ans après avoir émergé nationalement aux côtés d’Emmanuel Macron, Richard Ferrand va être nommé à la présidence du Conseil constitutionnel par… Emmanuel Macron. Et ce après avoir souhaité que celui-ci puisse faire un troisième mandat à l’Élysée, car la limitation constitutionnelle à deux serait « antidémocratique ».
À deux années de la fin de son second quinquennat, le chef de l’État confie donc à ce fidèle parmi les fidèles, premier des macronistes dès 2016, la tête de la juridiction suprême, en remplacement de Laurent Fabius. Sauf opposition du Parlement, où il espère obtenir a minima les voix du camp présidentiel et des « Républicains ».
Richard Ferrand n’a pourtant pas commencé sa carrière politique en comptant sur les suffrages de la droite pour accéder à un mandat. Fut un temps où l’ex-élu du Finistère de 62 ans appartenait même à la gauche. À l’aile gauche du Parti socialiste même, où il a adhéré à 18 ans par admiration pour François Mitterrand avant de prendre la roue d’Henri Emmanuelli et de Martine Aubry. Jusqu’à son élection comme député en 2012.
Battu aux législatives de 2022
« Je ne suis pas frondeur, mais je suis dans une solidarité exigeante avec le gouvernement », assure-t-il, en 2014, au Télégramme au moment où le PS se divise sur la politique de François Hollande. Tout en se disant « 100 % » d’accord avec « la direction globale donnée par Manuel Valls ». Le « en même temps » le guettait déjà. Il a franchi le pas en soutenant, contre le PS, Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017.
Réélu à l’Assemblée, Richard Ferrand se voit finalement propulsé ministre de la Cohésion des territoires. L’aventure ne dure qu’un mois et quatre jours, car le voilà rattrapé par son passé. Le Canard enchaîné le soupçonne d’avoir, en tant que directeur général des Mutuelles de Bretagne de 1998 à 2012, favorisé sa compagne pour lui permettre d’acheter un bien immobilier à Brest sans débourser un centime. Une affaire de « prise illégale d’intérêts » clôturée en 2022 par la Cour de cassation en raison de sa prescription.
À son retour au Palais Bourbon, Richard Ferrand prend alors la tête du groupe macroniste. Il soutient, dans un premier temps, la suppression de la référence à la Sécurité sociale dans la Constitution, avant de rétropédaler. Un épisode qui ne l’empêche pas, en septembre 2018, d’être élu à la présidence de l’Assemblée nationale, d’où il lance une révision contestée du règlement de l’institution réduisant les prérogatives des députés. C’est son expérience de quatre ans au perchoir qu’utilise l’Élysée pour justifier la nomination au Conseil constitutionnel de ce sherpa d’Emmanuel Macron, battu dans les urnes aux législatives de 2022.
Mais l’expertise juridique de l’ancien journaliste et ex-dirigeant d’une agence de graphisme reste à démontrer. En dix ans de députation, il n’a été rapporteur que de deux textes de loi, dont la révision constitutionnelle, restée lettre morte. Et ce ne sont pas ses deux ans comme étudiant en fac de droit qui renforceront sa légitimité.
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