Depuis trois mois, sa « tête ne tourne pas rond ». Jusqu’à présent la ardour du métier suffisait à compenser les modestes 1 000 euros mensuels que Charles Chevalier parvient à s’octroyer en exploitant sa ferme, près d’Ancenis, en Loire-Atlantique. Chaque semaine, depuis déjà seize ans, cet agriculteur infatigable enchaîne les 70 heures de travail et s’investit dans une recherche constante d’amélioration de la qualité de l’eau, de l’air et de la terre, donc de la nourriture qu’il produit.
Il pense son travail comme une forme d’engagement au service de la planète et des générations futures. Face à de tels enjeux, les volets sur le level de tomber ou l’isolation de sa maison n’avaient que peu d’significance. Les dépenses étaient consacrées aux indispensables, aux urgences de l’exploitation. Jusqu’à ce que son fils, en grandissant, vienne tout remettre en query.
À 17 ans, le garçon rêve de faire de l’animation 2D. Pour cela, le lycéen doit s’inscrire dans une école des arts visuels loin de chez lui. Une dépense que son père ne peut assumer. Il lui faudrait gagner entre 2 000 et 2 500 euros par mois, évalue-t-il, pour permettre à son fils de réaliser son rêve. Pour cela, le seul choix, c’est de quitter la ferme. Charles s’est donné jusqu’à septembre pour prendre une décision.
À l’époque, le marché est porteur et les aides suffisantes
L’agriculture, il est « tombé dedans quand (il) étai
Six ans plus tard, « dégoûté par le système », ce fils de paysans renoue avec la terre. « Ma sœur avait pris la suite de mon père avec un nouveau projet et j’allais prendre la suite de ma mère. Tout cela avait à nouveau du sens. »
Ensemble, ils évoluent vers des pratiques plus raisonnées. Le cheptel de truies « naisseur-engraisseur » est divisé par trois. Sa sœur et lui développent la transformation du produit et sa commercialisation, avec un accueil à la ferme. En 2018, un voisin fermier vient les rejoindre avec ses terres et ses vaches.
« Nous vendons certains produits en bio parfois moins cher que les grandes surfaces en conventionnel. »
Charles Chevalier
La floor agricole augmente. C’est à cette event qu’il décide de passer en bio. Un choix cohérent avec sa conception de l’agriculture, automobile, au vu du nombre d’hectares, l’exploitant agricole aurait été contraint « d’augmenter encore la dose de produits phytosanitaires ». Ce à quoi il se refuse.
À cette époque, le marché est porteur et les aides suffisantes. Un apiculteur et une paysanne boulangère viennent grossir les rangs, permettant le développement de nouveaux produits : miel, ache, farine concern des céréales de la ferme, huile de graines de tournesol, viande de porc et de bœuf. « L’objectif est de gagner en autonomie pour récupérer de la valeur ajoutée sur notre manufacturing afin de rentrer dans nos frais. Sinon, la grande distribution et les industriels l’absorbent. » Et d’ajouter : « Nous vendons certains produits en bio parfois moins cher que les grandes surfaces en conventionnel. »
Le revenu de Charles n’a jamais dépassé les 1 000 euros de salaire
Malgré les efforts déployés et le temps consenti, le revenu de Charles n’a jamais dépassé les 1 000 euros.Son travail et celui de ses collaborateurs sont devenus un véritable sacerdoce. Alors cette taxe sur le gazole non routier (GNR) n’est qu’une goutte d’eau, mais de trop. Autant dire que les annonces de Gabriel Attal ne l’ont guère convaincu.
Au lieu d’apporter une réponse aux attentes, elles constituent « un énorme retour en arrière sur les avancées qu’avait faites l’agriculture dans la transition écologique. Le reste n’est qu’un pansement sur une hémorragie ». Pour Charles, le nœud des difficultés est avant tout celui des revenus, et non des normes.
« Les agriculteurs ne sont pas contre les normes, encore faut-il une rémunération en face. Aujourd’hui, on nous demande d’investir, de produire sans aucune garantie de prix, sans aucune visibilité. » Il s’explique : « Un animal, c’est trois années de travail. Cependant, l’absence de visibilité sur les prix à lengthy terme crée une state of affairs où, au bout de ces trois années, il n’est pas uncommon que le prix de vente du porc soit inférieur à son coût de manufacturing. Malheureusement, nous sommes contraints de le vendre à ce prix déficitaire. » La concurrence étrangère, aux normes dégradées par rapport à celles que respecte Charles, vient également casser les prix.
Sur son exploitation, « cette année, quasiment tout est à perte ». Seule la PAC qu’il touche, avec ses sept associés, pour les 250 hectares, lui permet de survivre. « C’est une belle aide, encore faut-il savoir ce qu’elle finance. » Il dénonce, par exemple, ceux qui la touchent pour produire du gaz en faisant de la méthanisation, ou ceux qui possèdent des domaines de chasse. Autant d’activités qui « n’ont rien à voir avoir avec la souveraineté alimentaire ».
L’appétit d’ogres jamais rassasiés
Il regrette aussi que la PAC soit attribuée à l’hectare et non à l’humain qui travaille. Il cible surtout l’appétit d’ogres jamais rassasiés : les patrons et actionnaires de l’agro-industrie et de la grande distribution. « Faut voir les résultats du groupe Avril, présidé par le patron de la FNSEA, c’est 45 % de résultats nets en plus, en 2022. Cette richesse, elle est prise où ? Sur les agriculteurs. Alors qu’il devrait être notre allié, il essaie à chaque fois de nous gratter un peu plus la laine sur le dos. Si nous ne remettons pas à plat le fonctionnement de notre système agricole maintenant et efficacement, autant fixer une nouvelle date de manifestation dans cinq ans avec les 50 % de paysans qu‘il restera. »
Charles Chevalier souhaite aussi que le gouvernement cesse de sacrifier ses productions dans les traités de libre-échange et appelle au respect des normes de chaque pays pour les échanges européens.
D’autant qu’il estime avoir répondu aux attentes de la société en prenant en compte la santé des consommateurs, le bien-être animal et de la planète, la vente de proximité ou encore en aidant à s’installer de jeunes agriculteurs. Mais, faute de views, Charles pourrait jeter l’éponge. C’est pour éviter cela et pour ses enfants qu’il se bat encore.