Le recul de l’âge de départ en retraite nuit aux plus vulnérables, et ce n’est pas une officine gauchiste qui l’affirme, mais la très libérale Cour des comptes, dans son dernier rapport. Les auteurs y examinent les effets sur l’emploi des précédents reculs de l’âge légal. À l’arrivée, il n’y a pas de « scoop » particulier, mais une confirmation (bienvenue) de ce qu’ont démontré de nombreux chercheurs au cours des années précédentes.
Durant la décennie 2010, sous l’effet notamment de la réforme sarkozyste de 2010 (passage de 60 à 62 ans), l’âge moyen de départ à la retraite a augmenté de 2,1 années, explique la Cour. « Un moyen d’étudier l’impact de ce recul sur les parcours professionnels est de regarder s’il a correspondu à un allongement du temps dans l’emploi, au chômage ou en invalidité pour les personnes concernées, poursuivent les auteurs. En moyenne, dans l’ensemble de la population, ce recul s’est accompagné d’un allongement d’1 an et 7 mois du temps passé en emploi. Ce constat masque cependant des disparités importantes entre catégories socio-professionnelles. »
Les ouvriers les plus impactés
En effet, il n’y a rien de mécanique à ce qu’un recul de l’âge légal augmente la durée d’activité de l’ensemble de la population : il est tout à fait possible que certains travailleurs n’aient pas les moyens de continuer à travailler plus longtemps, pour des raisons de santé ou d’éloignement de l’emploi. Ils basculent alors dans un sas de précarité en attendant de pouvoir prendre leur retraite. Les instituts de statistiques les classent dans la catégorie des « NER » (pour Ni en Emploi ni en Retraites). Selon l’Insee, 16 % des 55-69 ans étaient concernés en 2021, contre 14 % en 2014.
La Cour des comptes note que « le recul de l’âge de la retraite s’est traduit pour les ouvriers qualifiés par une augmentation du temps en invalidité (+ 0,3 année) et du temps ni en emploi ni en retraite (+ 0,5 année). De même, les ouvriers non qualifiés ont passé un quart du temps supplémentaire avant de partir à la retraite en invalidité (0,5 année sur 2,0 années) ». Au total, pour les ouvriers qualifiés et non qualifiés, le recul de l’âge moyen de départ à la retraite ne s’est traduit qu’à 66 % par un allongement de la durée en emploi, contre plus de 85 % pour les professions intermédiaires et les cadres.
Sans surprise, la Cour confirme que les ouvriers et les employés sont surreprésentés parmi les NER : en 2021, 62 % des personnes ni en emploi ni en retraite appartiennent à ces catégories socio-professionnelles. En particulier, près de six ouvriers sur dix ni en emploi ni en retraite le sont pour une raison de santé ou un handicap, contre moins de trois sur dix parmi les cadres.
Les femmes plus tardivement à la retraite
Les auteurs n’oublient pas de rappeler que les femmes payent généralement un lourd tribut au recul de l’âge légal : après 55 ans, elles sont plus fréquemment « ni en emploi, ni en retraite ». En 2021, 22 % des femmes à l’âge de 55 ans sont concernées (contre 17 % des hommes) et 33 % à 61 ans (contre 22 % des hommes).
Et entre 62 et 69 ans, les femmes sont près de deux fois plus souvent « ni en emploi ni en retraite » que les hommes (11 % contre 6 %), « ce qui peut s’expliquer par des carrières plus souvent incomplètes pour les femmes, qui retardent l’atteinte du taux plein », souligne la Cour. Les femmes partent à la retraite en moyenne 8 mois après les hommes : 63 ans pour les premières et 62 ans et 4 mois pour les seconds.
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