Medef et gouvernement font campagne pour inscrire à l’ordre du jour de la « conférence sur les retraites » la création d’un 3e niveau de retraite à part entière, un 3e étage par capitalisation. Ce troisième niveau prendrait la suite de l’épargne retraite, les fameux PER, auxquels ont souscrit 10 millions de personnes pour un montant global de 95 milliards d€. Un vrai capital ! mais à la croissance trop lente pour les banquiers et assureurs, prêts alors à vendre l’illusion d’un complément de retraite… par capitalisation !
Un rendement limité et aléatoire
Banquiers et assureurs font passer pour de la retraite un produit d’épargne. Pourtant deux caractéristiques principales le distinguent de la retraite : les salariés ont le choix d’y adhérer ou pas et ces comptes sont à cotisations définies. Le salarié perçoit les sommes qu’il a déposées individuellement sur son compte augmenté des produits des placements. Il n’existe aucune garantie en valeur absolue de préservation de la valeur de son capital, et encore moins contre l’inflation. Le salarié sait ce qu’il paie, et ignore le montant de ce qu’il touchera. N’existent par ailleurs ni solidarité intragénérationnelle, ni solidarité intergénérationnelle. Quelle que soit la sophistication des produits financiers proposés, la prétendue retraite du salarié dépend d’une part de ses choix d’épargne ou de ceux de sa banque, et d’autre part des rendements par définition aléatoires des marchés financiers.
Ce système profondément inégalitaire repose sur de puissantes exonérations fiscales. Dans la limite d’un plafond très élevé les salariés peuvent investir dans ces produits une fraction significative de leurs revenus d’activité en franchise d’impôt sur le revenu. Un avantage inexistant pour les salariés non imposables, soit près de 50 % des ménages. Un avantage au contraire maximal pour la petite minorité de salariés cotisant à la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Si les rentes provenant de l’épargne seront taxées quand le salarié sera à la retraite, cette taxation différée a toutes les chances d’être inférieure à l’économie d’impôt réalisée pendant la vie active.
L’illusion des produits d’épargne
Soulignons l’importance de l’effort d’épargne à réaliser pour garantir un versement minimum de rente.
Ainsi, un rapport sénatorial estimait que pour seulement compenser la baisse des retraites « un triplement des prestations (et donc des cotisations) d’épargne-retraite doit au moins être envisagé d’ici 2050 ». Un triplement des cotisations qui ne pourrait être réalisé que par prélèvement sur salaire net, et qui donc amputerait très fortement le pouvoir d’achat des salariés poussant davantage la dégradation programmée des véritables retraites de base et complémentaires.
Sur la base des observations passées, il faudrait une indexation de la rente de 2 % par an pour maintenir son pouvoir d’achat et un rendement de 4 % à 5 % par an pour l’aligner sur les salaires. Un objectif impossible à tenir, en tout cas sur la base des tendances économiques et démographiques actuelles.
Le développement des systèmes d’épargne individuelle est d’emblée dangereux car il « cannibaliserait » forcément la répartition. Banques et assurances sélectionnant pour constituer leurs portefeuilles, les populations ayant un profil démographique favorable, c’est-à-dire beaucoup d’actifs et peu de retaités. Et que dire des employeurs qui consacrent bon an mal an plusieurs Milliards d’euros sous forme d’abondements aux plans de retraite d’entreprise alors qu’ils refusent toute augmentation des cotisations.
Refuser le label « retraite » pour des produits d’épargne
Levons toute ambigüité et mettons un terme à la confusion entre produits d’épargne et retraites afin de redonner confiance dans le système par répartition pour que les salariés, – dont les techniciens et cadres sont particulièrement visés -, ne soient pas obligés de se tourner vers des produits comme la seule assurance-vie. Est-il si difficile d’articuler les mesures immédiates de sauvegarde financière des régimes par répartition, – mesures qui relèvent de la gestion de la transition démographique -, et les choix structurels correspondant à l’architecture souhaitée d’un régime par répartition pérenne. Quand le pilotage de la retraite relève de la gestion d’un avenir de très long terme et largement incertain il demande un débat social transparent sur lequel salariés et citoyens doivent avoir réellement prise.