Il avait affirmé qu’il n’y aurait, sur le sujet, « ni totem ni tabou ». Il n’a pas fallu deux mois à François Bayrou pour se dédire. Enjambant allégrement le calendrier de onze rendez-vous prévus avec les syndicats, d’ici au mois de mai, sur la question de l’abrogation de la réforme des retraites, le premier ministre, interrogé ce dimanche sur France Inter, a asséné un non cinglant à l’éventualité d’un retour à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite (contre 64 ans dans la loi), au prétexte que le contexte international, marqué par la guerre en Ukraine, ne le permettrait pas.
« C’est absolument scandaleux », a réagi dans la foulée, auprès de l’Humanité, Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT chargé des négociations sur les retraites. Le représentant syndical dénonce « une trahison de la parole donnée aux organisations syndicales et aux parlementaires », qui est aussi, selon lui, l’aboutissement d’une stratégie visant, depuis plusieurs semaines, « à torpiller le processus de discussions en cours » (trois sessions de réunions sur onze ont déjà eu lieu). « Ceci est finalement cohérent avec les réelles positions de François Bayrou qui, en bon macroniste, est depuis toujours favorable à cette réforme, derrière sa très opportuniste façade d’ouverture au dialogue », analyse le syndicaliste.
« Cynisme absolu »
Il pointe par ailleurs le « cynisme absolu » consistant à dresser l’argument de la menace d’une guerre pour justifier cette volte-face : « La guerre, c’est le contraire du progrès social. Et c’est justement maintenant qu’il ne faut surtout pas céder sur nos fondamentaux », martèle Denis Gravouil.
Une position partagée par le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, qui a réagi, sur son compte X, au revirement du premier ministre : « Au nom de l’économie de guerre, François Bayrou dit ”non” au retour à la retraite à 62 ans. Voilà pourquoi nous dénonçons les discours guerriers qui alimentent les conflits et font aussi reculer les droits des travailleurs. Non à l’économie de guerre, oui au progrès social ! »
Du côté des autres syndicats, l’heure est également à la sidération. « La CFDT juge les propos de François Bayrou incompréhensibles », a ainsi déclaré son négociateur et secrétaire adjoint, Yvan Ricordeau, dans une déclaration à l’AFP, ajoutant que le prochain rendez-vous, prévu mardi 18 mars, « sera l’occasion d’une véritable clarification », tandis que, selon Denis Gravouil, « pourrait se poser, pour la CGT, la question de la continuité d’une participation » à ces conclaves.
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