Trois mois. Trois mois pour renégocier l’une des réformes les plus emblématiques et décriées de l’ère macroniste, pour trouver un terrain d’entente en dépit de divergences de fond. Trois mois pour faire mentir les mauvaises langues qui jugent l’entreprise vouée à l’échec.
Ce jeudi 27 février est donné le coup d’envoi d’une discussion entre syndicats et patronat, visant à réécrire la réforme de 2023 (report de l’âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans), qui avait jeté des millions de manifestants dans la rue à l’époque. En bon catholique, le premier ministre François Bayrou a imaginé un cérémonial réglé comme une messe du Vatican : réunis en « conclave » – le terme est de lui –, les partenaires « sociaux » vont devoir réfléchir de manière constructive et apaisée, à partir d’une « bible » écrite par la Cour des comptes. La réalité n’a pas grand-chose à voir avec ce scénario idyllique.
1. Un cadre ultracontraignant
« Il ne faut pas être naïf, s’agace d’emblée un négociateur syndical. Depuis le début, ce conclave n’était qu’une monnaie d’échange proposée par Bayrou aux socialistes, afin que ces derniers ne votent pas la censure du gouvernement ! Au fond, le premier ministre se fiche pas mal qu’on arrive à un accord. » Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que les négociateurs vont devoir œuvrer dans un cadre budgétaire fermé à double tour.
Le rapport préparatoire commandé par François Bayrou à la Cour des comptes a plombé l’ambiance, en affirmant que le déficit de notre régime de retraite allait se dégrader dans les années à venir – ce dont on pouvait se douter –, mais surtout, que les chemins d’un rééquilibrage se comptaient sur les doigts d’une main.
Dans le détail, la Cour estime que « les perspectives sont préoccupantes », en raison notamment d’une dégradation de la situation économique. Dès 2025, le déficit (tous régimes compris) devrait atteindre 6,6 milliards d’euros, puis frôler la barre des 15 milliards en 2035, pour approcher les 30 milliards en 2045.
Le premier ministre a prévenu dès le début : il exige un « retour à l’équilibre de notre système de retraite dans un délai raisonnable » (soit aux environs de 2030). Bonne élève, la Cour a étudié les différents scénarios pour y parvenir… Mais avec un prisme