Le gouvernement s’attendant à la décision de l’agence américaine de notation n’avait pas ménagé ses efforts pour convaincre du bien-fondé de sa stratégie. Il y a quelques jours, tandis qu’Emmanuel Macron vantait la « réussite du nouveau modèle industriel national », Gabriel Attal se chargeait de mettre en exergue l’objectif d’un « retour au plein-emploi ». Et nos deux têtes nationales de l’exécutif n’ont cessé de s’autoféliciter concernant la réussite de leur stratégie économique !
« Réindustrialisation et « plein emploi ». Qui se refuserait à souscrire à cette double priorité dans le contexte social actuel ? On est pourtant loin du compte.
Contrairement aux agences de notation qui, comme Standard & Poor’s, jugent de l’état d’une économie à partir de critères financiers c’est sur la capacité de cette économie à répondre aux besoins de la population que l’on doit porter un jugement.
Côté emploi, la France serait sur la bonne voie avec un taux de chômage qui a reculé de 2,5 points en 5 ans, recul accompagné de la création de 1,3 million d’emplois. Une évolution qui résulterait en fait de trois phénomènes : les effets de l’augmentation de 650 000 à 1 million d’alternants en apprentissage d’abord, les évolutions démographiques qui ont vu le nombre d’arrivants sur le marché du travail divisé par deux sur la dernière décennie ensuite. Ajoutons-y l’auto-entrepreneuriat qui permet de gommer momentanément une partie du chômage. Pas grand-chose qui puisse être attribué à la politique gouvernementale.
Si chômage il y a, il demeure bien plus important que ce qu’indique le chiffre officiel. Quelles que soient les fluctuations affectant son volume, une « armée salariale de réserve » continue à peser sur les salaires et les conditions de travail. Quand les statistiques du Ministère du travail ne retiennent qu’une petite partie, – en gros la moitié —, des 8 millions de personnes à la recherche d’emplois de meilleure qualité, elles oublient précaires, jeunes, et exclus…
Tout ceci dans un contexte de pouvoir d’achat en berne. Le sentiment d’appauvrissement qui s’est emparé de la société française n’a pas pour seule cause des pertes sur rémunération mais est aussi provoqué par la croissance des « dépenses contraintes » : logement, transport, occupent une place accrue dans les budgets des ménages. Ce sentiment d’appauvrissement est aussi nourri par la perception de la dégradation des services publics – hôpitaux, écoles, justice – sous l’effet de l’austérité budgétaire décidée par notre gouvernement.
Dans ce marasme économique, l’industrie française est de peu de secours. Elle est devenue un « gruyère » que les firmes étrangères viennent finir de piller. Quand le Président fait la cour aux financiers internationaux, pour les inciter à investir en France, n’est-ce pas pour tenter de compenser la pratique des grandes firmes nationales — PSA, Renault ou Sanofi – qui donnent la priorité aux investissements hors d’Europe.
En incitant les entreprises à produire toujours moins cher, les politiques gouvernementales ont conduit les grandes sociétés françaises à amplifier les délocalisations, des délocalisations massives qui ont consacré « l’extraversion » des groupes français : ces derniers emploient 6 millions de salariés à l’étranger ce qui correspondrait à 62 % des emplois des grandes entreprises françaises contre seulement 38 % pour les entreprises allemandes et 28 % pour les entreprises italiennes.
S’attaquer à la manière dont se crée la richesse, modifier son partage, réévaluer la place du travail, autant de priorités qui doivent être au cœur du débat politique. Le moment n’est-il pas venu de changer la donne ?
Avant de partir, une dernière chose…
Contrairement à 90 % des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :
nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.
L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.Je veux en savoir plus