Une cinquantaine d’auditions ouvertes aux seuls députés. Parmi les 90 personnes entendues, des représentants de syndicats de policiers et l’ancien premier ministre, Bernard Cazeneuve. Deux visites de terrain, l’une à Marseille, l’autre à l’école de police de Roubaix. Après six mois de travail, la « mission d’évaluation sur la hausse du nombre de refus d’obtempérer et les conditions d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre » devrait remettre prochainement son rapport à la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
Ses deux auteurs, Roger Vicot (PS) et Thomas Rudigoz (Renaissance), viennent d’en recevoir une première version. Chacun s’attelle à la corriger de son côté, avant de tenter de se mettre d’accord sur une version commune qui devrait être rendue publique à la fin du mois. S’entendre sur un même texte : l’objectif paraît loin d’être évident.
Principal point d’achoppement, le sort de l’article L435-1 de la loi du 28 février 2017, qui autorise policiers et gendarmes à faire usage de leur arme en cas de refus d’obtempérer. Un « permis de tuer », selon ses détracteurs, parmi lesquels le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon – à la suite du meurtre de Nahel par des policiers à Nanterre, le 27 juin 2023, la FI avait d’ailleurs proposé l’abrogation de la loi.
Piqué au vif, l’auteur de la réforme législative était aussitôt monté au créneau. « Il n’y a pas, en France, de permis de tuer, simplement la reconnaissance, pour les forces de l’ordre, de la possibilité de protéger leur vie ou la vie d’autrui dans le cadre de la légitime défense », avait rétorqué Bernard Cazeneuve.
La montagne va-t-elle accoucher d’une souris ?
La mission d’évaluation mettra-t-elle fin à cet article controversé ? Joint par l’Humanité, le rapporteur Roger Vicot dit « hésiter entre une proposition de modification ou une proposition de suppression ». « La formulation de la loi est mal interprétée, mal expliquée, mal conduite », estime le député. Lors de son audition, Bernard Cazeneuve aurait lui-même rappelé le contexte « extrêmement tendu » l’ayant conduit à proposer sa réforme.
L’aspect circonstanciel du texte est d’ailleurs parfaitement assumé. « Les forces de sécurité intérieure ont connu une année 2016 marquée par une mobilisation sans précédent pour garantir la sécurité des Français. (…) Il apparaît nécessaire de prévoir des dispositions leur permettant d’être juridiquement plus assurées lorsqu’elles ont à faire usage de leurs armes », indique ainsi la loi dans son exposé des motifs.
Que la mission propose de supprimer ou de modifier, Thomas Rudigoz – qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’Humanité mais s’était dit défavorable à un remaniement du texte – ne devrait pas s’associer à une telle démarche. « Nous serons probablement d’accord sur certaines préconisations, mais certainement pas sur le sort de l’article », prédit Roger Vicot. Parmi les urgences, le député évoque « la nécessaire formation des policiers », sur lesquels repose l’évaluation de la dangerosité potentielle de leur cible. « Ils doivent être mieux formés et mieux encadrés », estime-t-il. La montagne pourrait donc accoucher d’une souris.
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