François Bayrou, ou la diagonale du flou. Plutôt que de se positionner clairement sur l’avenir de notre système de retraite, le premier ministre a préféré renvoyer la balle aux « partenaires sociaux », tout en entretenant l’ambiguïté quant à sa méthode et ses objectifs.
Trois mois pour s’accorder sur un nouveau texte
Refusant de suspendre la réforme d’avril 2023 (qui reculait notamment l’âge légal de 62 à 64 ans), François Bayrou laisse aux syndicats et au patronat trois mois pour s’accorder sur un nouveau texte, avec deux options à la sortie des négociations : ou bien les « partenaires sociaux » parviennent à s’entendre sur les contours d’une nouvelle réforme, et alors cette dernière sera reprise dans la loi à l’automne ; ou bien ils échouent, et l’actuelle réforme continuera de s’appliquer.
Le premier ministre a juré qu’il n’avait « aucun tabou » sur le contenu d’un éventuel accord, y compris en matière d’âge légal : les syndicats et le patronat pourront laisser libre cours à leurs revendications, à condition qu’ils n’alourdissent pas le déficit du régime. Et c’est là que les choses se corsent.
François Bayrou a confié à la Cour des comptes le soin de réaliser une photographie détaillée de l’état de nos régimes de retraite, dans le cadre d’une « mission flash » de quelques semaines. C’est cet état des lieux qui devra fixer le périmètre budgétaire dans lequel s’inscriront les négociations entre syndicats et patronat.
Accréditer l’idée d’un « déficit caché »
Mais, lors de son discours de politique générale, le premier ministre a accrédité la vieille idée d’un « déficit caché » des retraites, théorisée par un ami à lui, Jean-Pascal Beaufret. Selon cet ancien haut fonctionnaire proche des milieux patronaux, les régimes de retraite publics (État, hôpitaux et collectivités locales), que l’on dit à l’équilibre, accusent en réalité un déficit abyssal, que l’État employeur vient compenser à coups de surcotisations.
Dans son discours, Bayrou a donné un ordre de grandeur de la facture (jusqu’à 55 milliards d’euros), en dramatisant la situation. Sauf que cette réalité n’a rien de mystérieux (la chose est connue de longue date), ni d’indu : si l’État met la main à la poche, c’est pour combler un déficit démographique qu’il alimente lui-même par sa politique de suppressions de postes et de gel du point d’indice. La « mission flash » de la Cour des comptes va-t-elle reprendre le chiffre de 55 milliards ? Et le gouvernement intimer l’ordre aux « partenaires sociaux » de négocier dans ce cadre ?
En tout état de cause, la marge de manœuvre des syndicats sera extrêmement réduite. Opposés dans leur ensemble à la réforme d’avril 2023 (que le patronat soutient ardemment), ils vont devoir proposer des mesures de « rééquilibrage » financier qui ne suscitent pas un veto patronal…
Une mission pour le moins complexe, dans la mesure où le Medef a exclu d’emblée toute hausse de cotisations et même tout effort économique supplémentaire. « Bayrou cherche à gagner du temps en pariant sur un échec des négociations », résume un négociateur syndical. L’avenir dira si son pessimisme était fondé…
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