De quelle couleur sera la fumée qui sortira du « conclave » ? Ce vendredi, les syndicats et le patronat ont démarré un nouveau cycle de concertations pour renégocier la réforme des retraites d’avril 2023 (recul de l’âge légal de 62 à 64 ans), avec pour objectif d’aboutir à un accord fin mai. Au menu de cette journée : un nécessaire exercice de clarification, après le flou entretenu par le Premier ministre au cours des derniers jours.
Conférence sociale au lieu de conclave ?
D’abord, le nom. Ce terme de « conclave », choisi par François Bayrou, sied davantage à une discussion entre prélats qu’à un round de négociations entre « partenaires sociaux ». Taquine, la secrétaire générale de la CGT n’a pas manqué de le signaler au Premier ministre, lors de sa déclaration à l’issue de la réunion : « Nous connaissons votre attachement à la laïcité, aussi nous vous suggérons qu’en lieu et place d’un conclave vous organisiez une conférence sociale sur les retraites, a lancé Sophie Binet. La question des retraites intéresse les dizaines de millions de travailleuses et de travailleurs du pays, et nos discussions doivent se faire sous leurs yeux pas dans le secret d’un conclave. »
De son côté, le Premier ministre a cherché à arrondir les angles dans son propos introductif, affirmant que toutes les questions seraient abordées dans un climat enthousiaste : « Je crois que les tensions peuvent être dépassées. (…) C’est une démarche inédite, originale et optimiste. Cet optimisme-là peut redonner de l’optimisme à la société française. »
De l’optimisme, il en faudra car la probabilité que les « partenaires sociaux » accouchent d’un accord à la fois ambitieux et unanime est extrêmement faible. Il leur faudra tout d’abord discuter dans un cadre budgétaire contraint. Le Premier ministre leur a laissé carte blanche, à condition qu’ils n’aggravent pas le déficit du régime. Pour réaliser une photographie précise de ce dernier, il a confié une « mission flash » à la Cour des comptes, qui doit rendre son verdict le 19 février.
« Le déficit caché » toujours au programme
Mais, lors de son discours de politique générale, le premier ministre a accrédité la vieille idée d’un « déficit caché » des retraites, théorisée par un ami à lui, Jean-Pascal Beaufret. Selon cet ancien haut fonctionnaire proche des milieux patronaux, les régimes de retraite publics (État, hôpitaux et collectivités locales), que l’on dit à l’équilibre, accusent en réalité un déficit abyssal, que l’État employeur vient compenser à coups de surcotisations.
Dans son discours, Bayrou a donné un ordre de grandeur de la facture (jusqu’à 55 milliards d’euros), en dramatisant la situation. Sauf que cette réalité n’a rien de mystérieux (la chose est connue de longue date), ni d’indu : si l’État met la main à la poche, c’est pour combler un déficit démographique qu’il alimente lui-même par sa politique de suppressions de postes et de gel du point d’indice. La « mission flash » de la Cour des comptes va-t-elle reprendre le chiffre de 55 milliards ? Et le gouvernement intimer l’ordre aux « partenaires sociaux » de négocier dans ce cadre ?
Une chose est sûre, ce vendredi, l’ensemble des syndicats a redit tout le mal qu’ils pensaient de cette idée de « déficit caché ». Ils ont également signifié leur attachement à un retour à l’âge légal de 62 ans, quand le MEDEF a rappelé son souhait de maintenir les 64 ans. Pour le reste, chacun a exposé ses sujets prioritaires : abrogation des 64 ans pour la CGT ; négociation autour de la pénibilité et de l’emploi des seniors pour la CFDT et la CFE-CGC ; hostilité farouche à tout alourdissement du « coût » du travail pour le MEDEF, etc. La discussion des semaines à venir s’annonce musclée…
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