Sur TikTok ces derniers jours, des jeunes se sont filmés, en train de dormir, perturbés par la voix d’un ami sortant soudainement de son téléphone. D’autres vidéos, réalisées par des lycéens, les montrent se faire asséner une heure de retenue par leur professeur pour avoir perturbé la classe par le son d’un message dicté, alors même qu’ils n’utilisaient pas leur téléphone. La cause : Ten Ten.
Cette application, lancée sur Android App il y a un mois, est déjà en première place dans la catégorie réseaux sociaux des magasins d’applications. Elle devance même les célèbres WhatsApp ou Messenger.
L’idée simple de ses deux créateurs français a séduit : transformer nos téléphones en talkie-walkie, à travers une application sur laquelle nos contacts peuvent nous parler par messages vocaux envoyés et dictés instantanément, sans avoir à déverrouiller son téléphone ni à ouvrir l’application. Derrière le logo d’une flèche sur fond rouge, une bonne idée pour favoriser le spontané, ou la fin officielle du libre arbitre ?
Un talkie-walkie imprévisible
La pratique de l’instantané, qui a largement envahi et influencé nos vies, par les applications Bereal, Instagram, Snapchat, a franchi un nouveau cap avec Ten Ten. « Chante, crie ou chuchote, tes amis t’entendront en temps réel », sur les magasins d’applications, Ten Ten prévient par un message qui annonce bien sa couleur : pas de vie privée. Sur Ten Ten, pour s’inscrire, une simple connexion via TikTok, Google ou mail suffit, sans nécessité de donner un âge minimum. Et qu’importe la distance avec vos amis aussi inscrits sur l’application : ils peuvent vous envoyer un message audio que l’application récitera alors aussitôt à travers le haut-parleur de votre téléphone.
Comme un vrai talkie-walkie, Ten Ten veut favoriser les échanges à tour de rôle, à travers les smartphones. Aujourd’hui plutôt cantonné à un usage professionnel (militaire, pisteur dans les stations de ski, etc.), le talkie-walkie commercialisé en 1940, avait révolutionné la communication dans un certain rayon kilométrique : presser un bouton pour parler, et relâcher pour cesser l’émission. L’application Ten-Ten est basée sur ce même principe.
À une différence près qu’elle demande, lors de l’installation, à fonctionner en arrière-plan de votre smartphone. Ainsi, même si vous avez fermé Ten Ten, un message audio peut tout de même sortir de votre téléphone, pas possible de changer de fréquence. La seule solution pour échapper aux messages audios imprévisibles de vos contacts : mettre votre téléphone sur silencieux, ou l’éteindre.
Fini le « ghosting » et le consentement
Contrairement à la messagerie téléphonique « normale », l’option « décrocher » n’existe pas sur Ten Ten. Seuls deux messages peuvent s’afficher « X est en train de parler » ou « terminé ». Impossible de pratiquer le « ghosting », c’est-à-dire de faire le fantôme, fuir une conversation ou ignorer un appel auquel vous ne souhaitez pas répondre. Sur Ten Ten, pas de libre arbitre, pas de consentement : on ne choisit pas, on subit au contraire la communication.
Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’Intérieur et des Outres Mers a accusé l’application sur son compte X, d’augmenter « le risque de harcèlement en ligne et d’intrusion dans la vie privée ». Elle a conseillé de « désactiver les notifications la nuit et dans les endroits calmes comme l’école », et de « limiter les contacts autorisés à envoyer des messages vocaux ».
Autre point qui inquiète le gouvernement : les transmissions et la politique de confidentialité, en cours d’achèvement par l’application. Ten Ten a en effet accès aux contacts, à l’adresse IP ou à la localisation des utilisateurs, « autant d’informations qui peuvent fuiter, et pourront par la suite être recoupées », prévient Camille Chaize. Si les créateurs assurent que « toutes les conversations sont éphémères », et que « personne ne peut les écouter », le modèle talkie-walkie moderne interroge sur l’usage et la sécurité de nos smartphones.
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