Peu de termes dans le discours de politique étrangère américaine sont aussi mal compris ou politiquement chargés que «l’isolationnisme».
Souvent utilisé comme arme politique, le terme évoque des images d’une Amérique en retraite, indifférente aux défis mondiaux.
Cependant, la réalité est plus complexe. Par exemple, certains commentateurs soutiennent que le retour du président Donald Trump à la Maison Blanche signale une nouvelle ère de l’isolationnisme. Mais d’autres soutiennent que sa politique étrangère s’apparente davantage au «souverainme», qui priorise l’autonomie nationale et la prise de décision exempte de contraintes externes, et prône l’engagement international que lorsqu’il ne sert directement aux intérêts d’une nation.
La compréhension du rôle de l’isolationnisme dans la politique américaine nécessite un examen plus approfondi de ses racines historiques et de son utilisation politique.
“ Enchevêtrement des alliances ”
L’idée d’éviter les enchevêtrements étrangers fait partie de la pensée stratégique américaine depuis la fondation du pays. Le célèbre avertissement du président George Washington contre les «alliances enchevêtrées» reflétait le désir d’isoler la jeune république des conflits européens.
Tout au long du 19e siècle, ce sentiment a façonné la politique américaine, mais pas exclusivement. Le pays a élargi son influence dans l’hémisphère occidental, a maintenu de solides liens économiques à l’étranger et est parfois intervenu dans les affaires régionales.
Cette approche prudente a permis aux États-Unis de développer son économie et sa force militaire sans être profondément impliqué dans les rivalités européennes.
Après la Première Guerre mondiale, l’isolationnisme est devenu plus prononcé. Les coûts humains et financiers stupéfiants de la guerre ont conduit de nombreux Américains à remettre en question une profonde implication internationale. Le scepticisme envers la Ligue des nations du président Woodrow Wilson a renforcé ce sentiment, et dans les années 1930, les États-Unis ont adopté des actes de neutralité conçus pour garder le pays hors des guerres étrangères. Cependant, cette approche s’est avérée non durable.
Bien que s’impliquer de plus en plus dans le conflit européen dans les années précédant l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, ce jour-là a officiellement conduit les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, marquant la fin définitive de l’isolationnisme traditionnel. Avec la conclusion de la guerre, la pensée stratégique américaine a changé, reconnaissant que même le désengagement partiel n’était plus une option dans un monde mondialisé.
L’isolationnisme comme une insulte
Dans l’après-guerre, l’isolationnisme est passée d’une perspective stratégique cohérente en un terme de dérision politique. Pendant la guerre froide, ceux qui se sont opposés aux alliances militaires comme l’OTAN ou les interventions américaines en Corée et au Vietnam ont souvent été rejetées comme isolationnistes, quelles que soient leurs préférences politiques réelles.
Ce cadrage a marginalisé les critiques de l’engagement mondial américain, même lorsque leurs préoccupations ont été fondées sur la prudence stratégique plutôt que dans un désir réflexif de se retirer du monde.
Le même schéma a persisté au 21e siècle. Dans les débats sur la participation des États-Unis en Irak, en Afghanistan et en Ukraine, les critiques des engagements militaires expansifs étaient souvent étiquetés isolationnistes, malgré la défense du recalibrage de la politique étrangère plutôt que du désengagement pur et simple.
Beaucoup de ceux qui appellent à la fin des «guerres pour toujours» américaines n’ont pas plaidé pour la retraite mondiale mais pour une priorité des intérêts nationaux sur la large défense de l’ordre international basé sur des règles.
Un mythe persistant est que l’isolationnisme représente un désengagement total du monde. Historiquement, même pendant son apogée, l’isolationnisme aux États-Unis n’a jamais été absolu. Le commerce, la diplomatie et les échanges culturels se sont poursuivis même dans les périodes marquées par la réticence à intervenir militairement. Ce que les critiques de l’interventionnisme ont historiquement recherché est la prudence dans les affaires étrangères – éviter les guerres inutiles tout en assurant la protection des intérêts nationaux fondamentaux.
Aller au-delà de l’isolationnisme
Ces dernières années, la «retenue» a gagné le terrain en tant que cadre plus précis et utile pour la politique étrangère américaine. Contrairement à l’isolationnisme, la retenue n’implique pas le retrait des affaires mondiales mais préconise plutôt une approche plus sélective et stratégique.
Les partisans soutiennent que les États-Unis devraient éviter les guerres inutiles, se concentrer sur les intérêts nationaux fondamentaux et travailler avec ses alliés pour maintenir la stabilité plutôt que de compter sur l’action militaire unilatérale. Cette perspective reconnaît les limites du pouvoir américain et les risques de surextension tout en reconnaissant la nécessité de l’engagement international. Les défenseurs de la retenue suggèrent que le recalibrage de la politique étrangère américaine permettrait au pays de répondre aux préoccupations intérieures pressantes tout en conservant une forte présence internationale où cela compte le plus.
Alors que les États-Unis réévaluent des décennies d’intervention, la retenue offre un chemin moyen entre le désengagement et l’activisme mondial sans restriction. Il encourage une approche plus réfléchie et durable de la politique étrangère qui priorise la stabilité à long terme et les intérêts nationaux sur la participation automatique dans les conflits.
Aller au-delà du débat obsolète et politiquement chargé sur l’isolationnisme permettrait, je crois, une conversation plus productive sur la façon dont les États-Unis peuvent s’engager à l’échelle mondiale d’une manière qui est à la fois efficace et alignée sur ses intérêts stratégiques.