Dominique Rousseau, juriste et professeur de droit constitutionnel, détaille le rôle de cet article. Le parti socialiste entend l’utiliser après le vote du budget de ce mercredi 5 février.
Si tous les Français ne sont pas devenus des spécialistes du droit constitutionnel depuis le début du deuxième mandat d’Emmanuel Macron à l’Élysée, force est de constater que l’instabilité de la situation politique, ces derniers mois en particulier, les a amenés à se familiariser avec certains concepts inconnus jusqu’alors du plus grand nombre.
Il en va ainsi de cet article 49.2, dernier né de ces dispositions insoupçonnées cachées dans les plis de la Constitution rédigée en 1958.
Réagir au “sentiment de submersion”
Un article que le Parti socialiste entend utiliser après le vote du budget la semaine prochaine afin de déposer une motion de censure “spontanée”. Et de réagir ainsi aux propos de François Bayrou sur le “sentiment de submersion” migratoire.
Il s’agit de protester contre “une forme de trumpisation du débat public sous l’influence notamment de Bruno Retailleau”, a justifié Olivier Faure, premier secrétaire du PS, mardi sur France Inter.
“À la seule initiative des députés”
Mais de quoi cet article 49.2 de la Constitution est-il le nom ? La réponse de Dominique Rousseau, juriste et professeur de droit constitutionnel : “La motion de censure provoquée survient après l’utilisation du 49.3 par le gouvernement. Le 49.2 relève de la seule initiative des députés”. On parle alors d’une motion de censure “spontanée”, car nul besoin d‘un texte initialement proposé par le gouvernement pour la justifier.
Mécanisme similaire
Sinon, poursuit Dominique Rousseau, “les conditions et le mécanisme sont les mêmes que pour une motion de censure déposée en réponse à l’utilisation du 49.3. Avec le 49.2, la motion de censure doit aussi être signée par un minimum de 58 députés (un dixième des membres de l’Assemblée, NDLR), avec le même délai de 48 h avant le débat et le vote dans l’hémicycle.”
Un vote dont le modus operandi reste là identique : n’y participent que les députés favorables à la motion de censure, et elle ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue, nécessitant donc de recueillir au moins 289 voix.
Une seule motion de censure a abouti
Après avoir précisé que le 49.2 peut être utilisé à tout moment d’une session parlementaire (mais pas plus de trois fois), on signalera que dans l’histoire de la Ve République, 66 motions de censure “spontanées” ont été déposées.
Une seule a abouti celle qui a fait tomber le gouvernement de Georges Pompidou le 5 octobre 1962. Aucune autre, pas plus “spontanée” que “provoquée” n’y est parvenue.
“Sans risque”
Reste à savoir, au-delà de l’aspect constitutionnel de cette pratique, ce que Dominique Rousseau pense de l’initiative du Parti socialiste : “Sur le plan politique, il est habile de la part du PS d’utiliser ce 49.2. C’est sans risque, car je ne vois pas le RN voter cette motion de censure, qui s’élève contre des idées qu’ils défendent, comme la subversion migratoire. Et ça peut être un compromis au sein du groupe PS, entre ceux qui voulaient censurer le budget et ceux qui ne le souhaitaient pas. Et puis le PS montre ainsi qu’il reste dans l’opposition…”
“LFI va-t-elle la voter ?”
Et celui qui fut professeur de droit constitutionnel à l’université Montpellier d’ajouter : “C’est une motion de censure qui porte sur les valeurs, ça va donc obliger les trois autres composantes du Nouveau front populaire à se positionner. La France insoumise par exemple. Va-t-elle la voter ? S’ils ne le font pas, ça les fera apparaître comme s’éloignant des valeurs républicaines, de laïcité, etc. Par contre si LFI, les Verts et les communistes la signent, le PS démontrera qu’il peut rassembler toute la gauche.”
Une question subsiste : “Comment les Français vont comprendre tout ça ? Là, je n’en sais rien…”