La commission d’enquête parlementaire sur la protection de l’enfance, à laquelle vous participiez, a été brutalement stoppée avec la dissolution. Pourriez-vous revenir sur cette expérience ?
Nous avons insisté sur le fait qu’il ne peut pas y avoir une bonne protection de l’enfance sans une politique à hauteur de l’enfant. Nous avons eu l’impression que les députés prenaient conscience de la situation, c’est-à-dire du fait que le sujet ne concerne pas un nombre minime de mineurs à protéger, mais des centaines de milliers d’enfants.
Certains acteurs publics mettent les difficultés de la protection de l’enfance sur le dos des mineurs non accompagnés. Pour nous, ce sont des enfants à protéger. Or, les dysfonctionnements que connaît la protection de l’enfance, que ce soit dans les foyers ou dans l’accompagnement à domicile, s’expliquent en partie par l’extrême faiblesse du modèle socio-économique des associations à qui ces tâches sont confiées.
Voilà des années que nous tirons la sonnette d’alarme. Les associations sont structurellement fragilisées par une pénurie chronique de moyens humains et financiers. Le résultat, c’est que les décisions de l’aide sociale à l’enfance (ASE) sont mises en œuvre avec un décalage parfois très important. Or il s’agit, dans certains cas, de protéger des mineurs victimes de violences intrafamiliales. C’est la responsabilité de la République.
Nous avons donc appelé à un plan Marshall pour la protection de l’enfance. De nombreuses situations se détériorent en raison d’une prise en charge trop tardive. L’ASE fait ainsi face à des situations de plus en plus complexes qui font peser sur elle de plus grandes responsabilités.
Agnès Canayer vient d’être nommée ministre déléguée à la Famille et à la Petite Enfance. Que pensez-vous de ce nouvel intitulé ?
Le terme de famille n’est plus au pluriel mais au singulier. Ce qui interroge. Pareil pour celui de petite enfance, qui ne représente qu’un pan de la protection de l’enfance. Au final, nous ne savons pas qui, parmi les ministres, s’occupe de l’enfance. Nous attendons de voir ce que prévoit le nouveau ministre des Solidarités.
Qu’attendez-vous de la mobilisation ?
Nous demandons aux gouvernants de permettre à l’ensemble des enfants d’être convenablement accompagnés. Les déclarations d’intention, c’est bien, mais il faut agir ! L’État et les départements se renvoient les responsabilités : aucun ne veut créer les structures et les emplois publics nécessaires, et ils confient aux associations la responsabilité de gérer l’accompagnement des mineurs.
Mais celles-ci ont besoin, pour mener à bien leurs actions, de dotations à la hauteur et d’une revalorisation des métiers du social. Soit on accompagne tous les jeunes qui en ont besoin, soit on oblige les associations à trier – ce qu’elles refusent de faire. Il faut un état des lieux des besoins par territoire.
Nous demandons de véritables assises de l’enfance. On ne trouvera pas de débouchés à la crise qui touche la protection de l’enfance sans une politique de l’enfance plus vaste, qui chiffre les besoins réels en termes humains et financiers.
Avant de partir, une dernière chose…
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