C’est ce qu’on appelle le savant art du ripolinage. Le 1er octobre, lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Barnier a décliné ses propositions en matière de santé. Il se savait attendu alors que la pénurie de médecins perdure et que plane la menace de coupes budgétaires dans chaque ministère. Mais ces annonces tiennent plutôt du pétard mouillé.
« On a eu affaire à un premier ministre qui n’a rien inventé. Les réformes proposées ne sont finalement que des pansements sur une jambe de bois dans une période où notre ministre de la Santé se fait discrète », regrette Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Fédération Santé. La faute à quelques formules magiques déjà empruntées.
Dans son discours, Michel Barnier s’est notamment illustré par l’énoncé d’un nouvel outil : le « programme Hippocrate ». Conçu pour lutter contre les déserts médicaux — auxquels 87 % de la population est confrontée — ce programme permettrait aux internes volontaires, français et étrangers, d’exercer dans les territoires qui manquent le plus de médecins pour une période donnée.
Or, un dispositif similaire existe déjà. « Cela fait un peu référence au contrat d’engagement de service public. C’est un contrat qu’on peut signer à partir de la deuxième année de médecine jusqu’à la fin de son internat. C’est un engagement minimum de deux ans à exercer en zone sous-dense par les ARS, en échange d’une rémunération mensuelle », rappelle le président de l’Intersyndicale nationale des internes, Killian L’helgouarc’h.
« En aucun cas l’infirmière ne va se substituer au médecin »
Le terme « Hippocrate » fait également tiquer. En faisant référence à l’un des serments traditionnels des médecins, le syndicaliste craint de voir la probité des étudiants questionnée par ce programme. « Ça sous-entend qu’il y aurait des bons internes prêts à s’engager et d’autres qui ne le seraient pas car ils n’y prendront pas part », pointe-t-il.
Et côté financement, le premier ministre a omis de préciser quelle enveloppe serait mise à disposition des collectivités.
Au-delà de cette annonce, Michel Barnier a également abordé le statut des infirmiers, proposant une loi « infirmières, infirmiers », qui irait plus loin dans la « reconnaissance de leur expertise et de leurs compétences ». Elle n’est, en réalité, qu’une extension d’une proposition de loi portée par l’ex-députée Renaissance Charlotte Parmentier-Lecocq, interrompue cet été… par la dissolution.
« Il faut savoir que nos textes concernant le diplôme d’infirmière n’ont pas été actualisés depuis plus de 20 ans. Il est clair qu’on a besoin aujourd’hui d’améliorer nos compétences », analyse Emilie Sehili, du collectif des Infirmiers libéraux en colère. Des efforts ont été fournis en ce sens.
Le 6 décembre 2023, un décret autorisant pendant un an aux infirmiers de réaliser des certificats de décès a été réalisé. « C’est une bonne avancée. Il y a d’autres pratiques que nous pourrions aussi réaliser, mais il faut rappeler qu’en aucun cas l’infirmière ne va se substituer au médecin, qui pose le diagnostic », avertit-elle. De plus, qui dit reconnaissance des compétences, dit également augmentation de salaires…
Enfin, dans la liste des annonces détonantes, Matignon ambitionne de faire appel aux « médecins retraités », avec des conditions de cumul emploi-retraite plus « favorables ». « Pourquoi pas ? Mais il est indispensable de développer les unités médicales de proximité, [des équipes composées d’assistants médicaux, d’infirmières, de médiateurs en santé…, NDLR] autour du médecin traitant. Sans quoi, l’ajout d’un médecin retraité isolé ne sert à rien », considère Agnès Giannotti, présidente du syndicat MG France. Autant dire que le Premier ministre devrait revoir sa potion.
Le média que les milliardaires ne peuvent pas s’acheter
Nous ne sommes financés par aucun milliardaire. Et nous en sommes fiers ! Mais nous sommes confrontés à des défis financiers constants. Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.Je veux en savoir plus !